Exercice
" Rescue "
28 Mai : Exercice de secours banquise
Mercredi 28 Mai vers 14h l'appel général se fait
entendre dans toute la base, l'une des ornitho de DDU a fait une chute sur
les rochers de Mauguen. Le temps est au brouillard, la blessure a l'air
sérieuse mais pas vitale.
Aussitôt le GIE (Groupe d'Intervention Extérieur) se précipite devant
l'infirmerie où l'attend Thierry le dista et Gilles le médecin. "
C'est un exercice ", tout le monde respire (sauf ceux qui s'en
doutaient un petit peu) mais il faut tout de même aller chercher la
victime.
Le matériel est rapidement rassemblé et tout le groupe se dirige au GPS
vers le point de localisation donné. Après un cours trajet en
chenillette et une marche courte mais rapide, la victime est retrouvée.
Tout le monde avance une idée, ça bouge, ça se précipite, certains se
laissent emporter par l'anxiété et la volonté de bien faire. Il est
vrai que la température n'incite pas à la flânerie et la nuit arrive
très vite.
Après quelques hésitations, la situation se débloque et la pauvre
victime se trouve saucissonnée, conditionnée, empaquetée dans un
matelas coquille au fond d'une pulka (traineau). Le retour à la base se
fait au pas de charge.
Les émotions passées, un débriefing est rapidement organisé pour avoir
les impressions " à chaud " des intervenants. Certes, tout ne
fut pas parfait, mais les exercices servent à mettre en évidence les
imperfections des gens et des systèmes. Participer à un secours n'est
déjà pas facile mais en Antarctique… Quelques ajustements doivent
être apportés, mais il faut surtout retenir la bonne volonté et la
rapidité de tout le groupe. N'oublions pas qu'ici, personne n'est un
professionnel de ce genre d'intervention.
Thierry M (chef centrale)
Une nuit lidar à Dumont d'Urville
T7: 390°C. P4: 2.2 bars. P3...
Deux heures du matin. L'heure du relevé à la centrale électrique et de
production d'eau douce. Surveillé vingt-quatre heures sur vingt-quatre,
le cœur de la base est ausculté toutes les deux heures de jour comme de
nuit. A l'instar des 'quarts' sur les navires au long cours, les 'quarts
centrales' rythment la navigation immobile de la base à travers les
tempêtes et les longs mois d'hiver.
Par temps clair, la centrale n'est pas le seul bâtiment muni de son
veilleur de nuit. Tandis que, dispersés à travers la base, une batterie
de capteurs sont en continu à l'écoute des grandeurs géophysiques -
marées, séismes, rayonnement cosmique, champ magnétique - qui sont à
la planète ce que les pressions, températures ou débits sont à la
centrale électrique, le lidar et son opérateur se joignent à eux pour
sonder l'atmosphère à coup de photons.
D'une
ou de plusieurs longueurs d'ondes judicieusement choisies (dont l'une, à
532 nm, correspond à la couleur verte, d'où le surnom de "rayon
vert" donné au lidar par les hivernants), ces derniers sont produits
par deux lasers qui les propulsent, dix fois ou plus par seconde, sous
forme d'impulsions lumineuses très courtes et très directionnelles vers
les plus hautes couches de la stratosphère et au-delà; le peu d'entre
eux qui, rétrodiffusés par des molécules, des particules ou des nuages,
reviennent vers le sol après leur périple vertical de plusieurs dizaines
de kilomètres et de quelques microsecondes, sont comptés un à un par
des détecteurs ultra-sensibles au foyer d'un télescope. La vitesse de la
lumière étant parfaitement connue, le délai mis par chacun de ces
photons pour revenir à son point de départ renseigne sur l'altitude à
laquelle il a interagi avec l'atmosphère.
Une nuit de mesures consiste en la répétition, sur plusieurs heures, de
dizaines de milliers de tels "tirs" de photons, jusqu'à ce que
la probabilité de retour des photons depuis chaque couche atmosphérique
soit connue avec assez de précision pour établir un profil des
propriétés de rétrodiffusion de l'atmosphère au-dessus de la base en
fonction de l'altitude. Ces profils, injectés dans différents
algorithmes par les scientifiques, sont traduits en termes de
concentration d'ozone, de température de la haute atmosphère, et de
présence de particules spécifiques ou de nuages stratosphériques
polaires; autant d'informations qui serviront à suivre les évolutions à
long terme et affiner les modèles physico-chimiques de
l'atmosphère.
Du haut de la passerelle qui mène à l'abri lidar, cette nuit, le
spectacle est total dans le ciel autant que sous l'horizon. La pleine Lune
accentue le rendu irréel, l'aspect fantasmagorique d'un paysage où,
même en plein jour, l'œil humain éprouve le plus grand mal à estimer
les distances et redresser les perspectives. Un coup d'œil vers le
"rayon vert" renforce le vertige car, pointé vers le zénith,
il y semble toujours accroché, quelle que soit la distance de
l'observateur par rapport à sa source : comment concilier la vision de
cette immense aiguille penchée qui relie l'horizon au sommet de la voûte
céleste, et le fait qu'elle est pourtant très précisément verticale ?
Vers le Nord, une légère aurore australe est apparue depuis quelques
minutes, mais la présence de la Lune la rend difficile à distinguer.
Elle ne justifie pas de composer le numéro "alerte aurore" mis
en place par Cyril (le "chef géophy") pour réveiller les
courageux qui souhaitent être mis au courant en cas d'aurore
particulièrement intéressante. Le vent catabatique, qui s'était levé
en début de soirée, faisant vibrer les bâtiments et emplissant l'espace
de cristaux qui scintillent en traversant le faisceau laser, vient de
s'arrêter en l'espace d'une ou deux minutes. Il connaîtra ainsi
plusieurs arrêts et redémarrages brutaux au cours de la nuit. Sur le
continent, d'abord révélés par la Lune puis se détachant en négatif
sur les premières lueurs rose-orange du lever de Soleil, de grandes
volutes de neige jusqu'à plusieurs centaines de mètres de hauteur, ou de
véritables murs par endroits, matérialisent la complexité de ces
phénomènes atmosphériques.
Tout à l'heure, peut-être, en allant se coucher, du vent et des étoiles
plein les yeux, on croisera le veilleur de la centrale en train
d'installer le petit-déjeuner, ou Lionel, le boulanger, en train de faire
son pain. A ces heures intermédiaires où l'on se sent comme dans une
relation privilégiée, intime avec le monde, et où la solitude accentue
encore le sentiment d'isolement, les mots sont souvent échangés avec
parcimonie mais aussi une sorte de complicité : celle des décalés...
Mathieu QUATREVALET (Lidar)
Le lundi à DDU
Le lundi arrive… on bout tous d'impatience ! Et oui,
ce soir c'est Twin Peaks ! Mais qui a tué Laura Palmer ??? Au tableau du
séjour, une petite annonce codée rappelant la projection de 2 épisodes
de la série à 21h ce soir… comme tous les lundis depuis le début de
l'hivernage.
On tire le grand écran blanc dans le séjour (là où
on mange), les fauteuils sont amenés. Chacun a ses petites habitudes (et
beaucoup ont les charentaises aux pieds !). Au premier rang on retrouve
toujours les mêmes : un, allongé avec son traversin sous la tête, deux
toujours à coté partageant une couverture… Derrière, on est assis sur
des fauteuils bleus (attention tous les éléments sont importants !),
avec une chaise pour poser les pieds, certains sur le côté accoudés à
une table, et enfin le maître de séance tout au fond… 20h50, on est
déjà tous près ! Il ne manque qu'un seul habitué du lundi soir… On
l'attend… " poum ", le bruit de la porte dehors, il arrive.
Acclamations quand il rentre dans le séjour !
La musique résonne alors... ça commence… Que font
les hiboux ? Qui sera la prochaine victime de Windom Earle ? Andy va-t-il
épater Lucy ? Léo va-il se réveiller ? Suspense… un petit cri dans la
pièce, qui fait bien rire les autres ! Le 1er épisode se termine. Petite
pause du milieu, clope, p'tit coin… " Ça y est, tout le monde est
là, tu peux lancer la suite." On a déjà bien avancé dans
l'intrigue… mais on commence à s'inquiéter… on va bientôt arriver
au dernier épisode de la série, aura-t-on une réponse à toutes les
questions ? La suite au prochain épisode…
Agent Elo-Dale Cooper
Premier œuf d'Empereurs
Suivant la période de pariade et d'accouplement, les
Empereurs ont entamé une " gestation " de près de 3 semaines
avant de pondre leur unique œuf (premier observé le 5 mai). Non peu
fiers de montrer leur future progéniture au voisin, ils soulèvent le
bourrelet de peau graisseux qui le protège et le maintient au chaud en
tournant délicatement la coquille sur leurs pattes.
Commence alors une danse par laquelle le mâle se voit
remettre le précieux présent de "Madame Empereur" ; tous 2
donnant l'impression de tenir en équilibre sur un fil bien mince tel des
funambules ; ils doivent être agiles et ne pas perdre de temps ; sans
cela la morsure du froid peut être fatale à la petite vie naissante. Les
femelles repartent petit à petit en mer afin de se nourrir et d'assurer
les réserves de nourriture pour le futur poussin. La colonie se voit donc
réduite de près de la moitié de ses individus et les mâles assurent
durant cette période la totalité de l'incubation. En plein jeûne, il
lui faut bien du courage et nous ne pouvons nous empêcher d'avoir une
petite pensée pour ce dernier lorsque que certains jours il doit braver
de violentes tempêtes (150 km/h) et températures glaciales (-25°C),
alors que nous sommes bien à l'abri : "Tiens bon !"
Ces vents terribles ne font d'ailleurs pas de cadeaux à
ce dernier, malgré les tortues, un bon nombre d'œufs sont à chaque fois
dispersés dans la Nature. Une promesse de vie s'éteint... et met un
terme à l'odyssée pour la vie entreprise par le couple qui n'a plus
qu'à quitter ses congénères... dur,dur !!
Ainsi va la vie chez l'Empereur...
Charline (programme chimie de l'atmosphère) &
Daniel (2nd Centrale)