"CONCORDIA : Arrivée
et départ du raid, voeux pour la Nouvelle Année"
Chers Enfants,
mes amis Professeurs et personnels bonsoir,
Nous sommes le
2 janvier, j'attendais impatiemment que mes 9 camarades raideurs, dont une
femme, arrivant par le 2ème Raid atteignent leur destination finale pour
leur souhaiter, avant tous mes amis, une Bonne Année 2008 ! Ils sont
arrivés ce matin à 11 heures, après avoir convoyé leurs chargements
depuis Prud'homme/Dumont d'Urville, pendant une douzaine de jours, à la
moyenne de 100 km/jour. Au final, ils ont fait 1200 km, passant de
l'altitude de la mer, à celle de Concordia de 3200 mètres. Hier, 1er
janvier, ils étaient au labeur à bord de leurs engins, suivant la trace
de la dameuse ouvrant la route mythique " La Traverse Antarctique
", pour arriver jusqu'à nous.
Je fus
impressionné par l'arrivé de ces 7 lourds tracteurs chenillés, tractant
des conteneurs sur ski, y compris les 3 énormes cuves de carburant en
remorque de deux Challenger/Caterpillar, recouverts de neige et de
glace...
Le
déchargement a déjà bien avancé au cours de cet après-midi.
Théoriquement, leur retour est prévu pour après-demain, redescendant
avec, entre autres, des conteneurs remplis de tous les déchets triés de
la base qui seront rapatriés vers l'Australie ou la France.
La
sixième photo (dans Photos du mois, ci-dessous) montre Frédéric Vuillaume,
le Chef de Raid. Au cours de mon hivernage
précédent, en 2005, il avait envoyé aux écoles avec lesquelles
j'étais en relation à l'époque, un récit de cette longue traversée,
expliquant tous les soucis mécaniques rencontrés, qu'il fallait réparer
absolument quelles que soient la température et le blizzard, si celui-ci
soufflait. J'ai beaucoup de sympathie pour cet homme de grande qualité.
C'est à vous
maintenant que je voudrais présenter tous mes voeux, je pense en
particulier à tous les enfants des classes avec lesquelles nous sommes en
relation, avec une pensée affectueuse pour les enfants malades de
l'Hôpital du Bocage à Dijon et celui de Fort de France en Martinique.
Tous mes
camarades de travail scientifiques et techniciens auxquels j'ai parlé de
vous (j'ai encore un reportage
passionnant de glaciologie à vous envoyer !) vous présentent leurs meilleurs voeux. Une photo pour
illustrer ce souhait : nos " 6 camarades filles franco-italiennes de
Concordia ". De gauche à droite, Lucia (astronome italienne),
Delphine (glaciologue CNRS), Marianne (responsable électricité de
l'Institut, pour DDU et Concordia), Catherine (glaciologue CNRS),
Sandra (ingénieur Radio, italienne) et Claire (ingénieur,
responsable technique de Concordia, dont je vous ai parlé la semaine
dernière). Au premier plan, mon ami Jean-Louis Duraffourg (chef de cuisine, pour les campagnes
d'été à Concordia, et qui a fait le premier hivernage en 2005, avec
Claire) nous nous connaissons depuis 2O ans ! "un vieux couples
d'amis" ! et moi, comme mes camarades, un verre de champagne à la
main pour vous saluer tous !
Je vous fais à
tous mes amitiés, toujours attentif à la lecture de vos mails et le
plaisir d'y répondre !.
Gilles, depuis
Concordia, le 2 janvier 2008.
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"CONCORDIA
: Glaciologie ou quel était le climat sur Terre, il y a ...
800.000 ans"
Chers enfants,
mes amis professeurs et personnels bonsoir,
Cela va faire
huit jours que je suis de retour à Dumont d'Urville. De nouveau en
cuisine , avec mon successeur pour l'hivernage suivant T.A.58.
Dans un mois
exactement, je serai en mer à bord de l'Astrolabe pour mon retour à la
maison ! Et oui, nos échanges depuis l'Antarctique vont bientôt prendre
fin, nous en reparlerons un autre jour.
Pour l'instant,
je vous écris ce courrier sur papier, en début d'après-midi, assis sur
un rocher dépourvu de glace, au soleil. J'admire les manchots adélie
plongeant ou ressortant de l'eau, pour ensuite retourner à leur nid de
petits cailloux où se trouvent l'autre adulte et un ou deux poussins
attendant la nourriture.
J'avais ramené
de Concordia, un texte avec photos sur cette science si importante pour
l'avenir de notre terre " La Glaciologie ". J'ai eu deux
interlocuteurs du laboratoire de glaciologie de Grenoble (CNRS) : Catherine, chercheur, et Éric,
ingénieur. Ils ont répondu toujours avec
gentillesse à toutes les questions que je pouvais leur poser à votre
intention. Ce programme de recherche de glaciologie européen se nomme
EPICA.
Avant de
participer dans les années précédentes au forage EPICA à Concordia, Éric
avait participé à celui français à D-47, celui australien à Casey,
mais surtout à celui russe à la station Vostok. Trou de glaciologie, d'où
ont été remontées les plus profondes carottes de glace, jusqu'à 3.623
mètres. Le carottier s'est arrêté de forer alors qu'il n'était qu'à
50 mètres d'un énorme lac en superficie du socle rocheux, sous la calotte glaciaire. Les
scientifiques du monde entier sont très intéressés par ce lac, mais la
prudence a pris le dessus. Il ne faut en aucun cas le polluer par les substances
que transporte le carottier. A la
demande de la Commissions sur l'Antarctique, le forage ne reprendra pas tant que l'on
n'aura pas trouvé le moyen de désinfecter le carottier ! Les Russes
seront-ils suffisamment raisonnables pour attendre de trouver cette
solution qui doit être approuvée internationalement ?
Pour en revenir
à notre forage EPICA qui a atteint la profondeur de 3.260 mètres le
21/12/2004, il n'était qu'à 50 mètres de la roche, surmontée
également par une couche d'eau liquide ! Les carottes remontées de cette
profondeur correspondent à une datation de 800.000 ans.
Je fus étonné
d'apprendre que juste au-dessus de la roche se trouve de l'eau. En fait,
plus l'on s'enfonce dans la glace, plus la température de celle-ci
augmente, du fait de la chaleur provenant du coeur de la terre.
Actuellement, c'est le travail de Catherine de mesurer la température dans
le conduit glaciologique EPICA. Je vous joins les photos de leur
ordinateur donnant les valeurs à deux profondeurs différentes : à moins
125 mètres, il fait : - 53,791°C. Quelques jours plus tard, à moins
1.150 mètres, la température était remontée à - 42,752°C. Surprenant
non ? Lorsque je reverrai Catherine qui rentrera par la même rotation de
bateau que moi, elle me dira jusqu'à quelle profondeur ils ont réussi à
descendre et quelle température ils ont enregistré... A bord, je vous
enverrai un mail pour vous le dire !
C'est l'analyse
des bulles d'air, enserrées dans ces carottes, qui permet une
reconstitution climatique de notre Terre.
Attention ! je
vais recopier ce que viennent de me dire mes amis glaciologues : "
C'est la concentration en deutérium, un isotope de l'hydrogène présent
dans les bulles d'air emprisonnées dans la glace et dont la
radioactivité décroît avec le temps, qui permet de dater celle-ci. Au
cours des 800.000 ans, notre planète a connu neuf cycles climatiques.
L'intensité des périodes glaciaires serait influencée par la variation
de l'inclinaison de l'axe de rotation de la Terre ".
Je vous envoie
8 photos explicatives sur ce thème. Restant toujours à votre disposition
pour répondre à vos questions ou pour les reposer à mes camarades
scientifiques qui se font toujours un plaisir d'y répondre... A la suite
de quoi, je vous envoie quelques photos, de cet après-midi, de mes amis
les manchots adélie que j'appelle mes petites Lolottes, ils sont
tellement tordants à déambuler à toute vitesse sur la glace à croire
qu'ils ont le feu à la queue !
Gilles, depuis
Dumont d'Urville, le 15 janvier 2008.
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"DUMONT
D'URVILLE : Trois visites ou quatre..."
Mes chers
enfants, mes amis professeurs, personnels bonsoir,
Au cours de
cette deuxième quinzaine de janvier, nous avons eu trois visites, dont
une extraordinaire ! Et sans doute une quatrième visite demain...
En effet cet
après-midi, nous avons reçu une information urgente en provenance du
Cross de France (secours en mer). Un navire de pêche Espagnol voulait nos
coordonnées, un marin serait gravement blessé à bord. La communication
a pu être établie entre lui et la
base, par Gilles, le médecin de la
T.A.58. Ce navire sera dans nos eaux demain après-midi. La communication
fut très mauvaise, nous n'avons pas plus d'information concernant la
blessure du marin, à part que c'est à sa main gauche, ni sur le type de
pêche pratiquée par ce navire... A part la chasse à la baleine, ou la
pêche du poisson Légine, faite cependant bien plus au nord. Dans notre
zone, la pêche classique n'est pas pratiquée, trop au sud, il n'y a pas
de poisson intéressants à pêcher. Naturellement, je vous tiendrai au
courant dans les jours suivants.
Nous avons eu
la visite, à deux jours d'intervalle, de deux petits paquebots de
croisières, tout d'abord un russe, sous affrètement australien, le 23
janvier, le " Marina Svetaeva " puis, le 25, l'
"Orion", sous pavillon des Bahamas, mais propriété d'une
compagnie australienne. A bord de ces deux navires, des croisiéristes
australiens, néo-zélandais, américains et quelques européens. A bord
de chacun d'eux, une centaine de passagers.
Les navires
étaient au mouillage, le débarquement par groupe de 20 personnes se
faisant par leurs Zodiac. Nos camarades les ont accompagné dans leur
visite de la base, ils ont acheté à la Coop, gérée par Thierry (Chef de base T.A.58),
quelques vêtements souvenirs, puis à la Gérance Postale, des
cartes postales et des timbres de collection. Dans notre bâtiment, le Séjour,
je leur avais préparé des collations, la visite de ma cuisine et d'une
partie de mes magasins vivres.
A bord de l'
"Orion ", le médecin était Français, le biologiste
aussi, mais je le connaissais, c'était mon ancien camarade d'hivernage
biologiste de la T.A.55 (2005), Guillaume Boutelou ! Surprenant qu'il ait
réussi à se faire embaucher par des Australiens pour deux croisières en
Antarctique !
Je vous envoie
des photos de ces deux navires. Il faut que vous sachiez que j'ai
navigué un certain nombre d'années dans ma jeunesse, comme pâtissier à
bord de paquebots des " Croisières Paquet ". Je suis toujours
resté un passionné du monde des Croisières (comme de celui du Polaire) et de ce type de navire. Vous comprendrez que j'étais très heureux de
voir ces navires - je ne regrette qu'une chose, ne pas avoir eu la
possibilité de monter à bord. Je fais d'ailleurs parti d'une Association
de Marseille, des Amis des Paquebots, dont le Président et le secrétaire
reçoivent ces courriers/photos ! Bonjour messieurs les Commandants Jean
Claude Gazano et Jean Claude Gras !
Thierry a reçu,
depuis, des mails de remerciements de ces deux navires, pour l'accueil que
nous leur avions réservé. Ils ont eu de la chance cette fois. A deux
reprises ils avaient essayé de venir, au cours de cette saison d'été en
Antarctique, mais le mauvais temps avait fait
annuler ces escales.
Mais la visite
la plus extraordinaire, le 16 janvier entre nos îlots au pied de la
base, c'est celle qu'à bien voulu nous faire un couple....d'orques !
Magnifiques ces deux énormes cétacés, soufflant en surface leur jet de
vapeur se condensant dans l'air froid ! Ils sont restés plus d'une heure
à tourner entre les icebergs, entre nos îlots ! Nous avons vu leur
gueule sortant hors de l'eau, ce fut très émouvant de les voir regarder
les manchots Adélie, tapis sur la banquise inquiets de voir ces monstre
sortir la tête de l'eau. Voici ce que j'ai noté dans un livre sur les
baleines, concernant les orques :
" L'orque, ou épaulard, est un prédateur vorace qui s'attaque
parfois à d'autres grands cétacés. Odontocète de la famille des
Delphinidae, c'est le plus grand des dauphins. Il peut atteindre 9 mètres
pour un poids de 6 tonnes et sa nageoire dorsale triangulaire avoisine les
2 mètres. Vivant en groupe familiaux de 5 à 20 individus, il fréquente
tous les océans, sous toutes les latitudes, avec pourtant, une
prédilection marquée pour les eaux fraîches. "
Ils ont été vus le soir, entre 22 et 23 heures.
Je vous écrirai
pour vous tenir au courant de ce marin/pêcheur espagnol blessé, dans les
jours prochains.
Quand à
l'Astrolabe, actuellement à Hobart, il appareillera de nouveau pour
d'Urville, après-demain. A bord, il y aura le Préfet des T.A.A.F. avec
notre Directeur de l'Institut Polaire, ainsi que notre responsable des Télécommunications.
Les quelques
" rescapés " de la T.A.57, dont moi, rembarqueront le 12
février pour notre retour.
Je vous
embrasse les enfants, de la part aussi des jeunes poussins adélie. Pour
certains, ils sont déjà en train de muer. L'été polaire ne dure jamais
très longtemps, dans un mois à peine les jours raccourciront, les
tempêtes reprendront comme depuis deux jours, des vents de 120 à 150
km/h.
Au plaisir de
vous lire tous, pendant ces quinze jours qu'il me reste à vivre en
Antarctique !
Gilles, depuis
Dumont d'Urville le lundi 28 janvier 2008.
(Rappel : ces messages étaient principalement adressés à
des établissements scolaires. Étant donné le grand nombre de photos
expédiées par Gilles, nous n'en conservons qu'une sélection,
ci-dessous, sur notre site.)