Pour trois couronnes
Pour trois couronnes
Description
François Garde, notre ancien administrateur supérieur des T.A.A.F., récidive : voici le deuxième roman qu’il publie, roman qui ne traite pas du tout des terres australes françaises, mais dans lequel il glisse de nombreux clins d’œil que, seuls, pourront saisir ceux qui connaissent ces îles lointaines. C’est un plaisir qu’il s’offre : il a pris la Toponymie officielle des îles, et il y a simplement choisi de quoi nommer les personnages foisonnants du roman !
C’est ainsi qu’on y croise, à la lecture, les noms de Tucker, Channer, Lesquin, Agnès, Bollinder, Ratmanoff, Baudissin, Studer, etc., dont la signification n’a rien à voir avec le roman, et dont fort peu de gens connaissent le sens. D’ailleurs, ce roman tient du roman policier, et aussi du roman d’introspection et d’autobiographie, du roman de formation et du roman historique. Il est plein de chausse-trapes qui égarent le lecteur, ou de passages cryptés comme on voudra : on croit deviner, et puis non ce n’est pas ça, l’imagination part dans un sens, puis elle doit repartir dans un autre sens, l’histoire paraît invraisemblable et puis non, elle est vraisemblable. Enfin, le lecteur est happé dès le début de l’histoire : on veut savoir la conclusion !
Voici l’histoire : un milliardaire américain meurt, il faut trouver s’il a laissé quelque part sur cette terre un héritier inconnu. C’est tout. Un homme de confiance est chargé de faire le détective à travers le monde. Et cet homme tient le rôle du narrateur. C’est là que commence un roman dans le roman, – le roman du narrateur entre dans le roman du milliardaire défunt, il va de signe en signe, de piste en piste, petit à petit il se met dans l’esprit même du défunt, et il finit par deviner des choses qui doivent rester cachées. Cette histoire peut se comparer à un conte philosophique.
Chaque étape de la recherche du narrateur devient le sujet de la description à la fois de l’endroit où il se trouve, comme de l’homme, ou de la femme, avec qui il entre en communication. Personnes et endroits complètement imaginaires, peut-être pas complètement inventés, mais impossibles à reconnaître. Et le narrateur nous fait ainsi voyager dans un village de pêcheurs de Californie, dans des bureaux d’inscription maritime, dans des bars douteux de marins, etc., et surtout dans une ville coloniale française sous les tropiques qui pourrait être dans le Pacifique comme dans l’océan Indien. Le narrateur reconstitue là le passé d’une certaine société bourgeoise, indice par indice, et en même temps, il reconstitue l’histoire récente de cette ville qui a été secouée par des troubles révolutionnaires. Et c’est là qu’apparaît la personnalité de François Garde lui-même : à travers le narrateur, ce sont ses souvenirs des années vécues en Moyen-Orient, souvenirs d’exil, souvenirs de guerres fratricides incompréhensibles, souvenirs de sociétés qui se rêveraient immuables, souvenirs de paysages surtout d’une beauté presque déchirante. Il ne faut pas dévoiler la fin du roman : fin abrupte, déconcertante et, parfaitement morale.
Gracie Delépine
INFORMATIONS COMPLÉMENTAIRES
de François Garde – Roman – Paris, Gallimard, juin 2013 – 304 p.
ISBN 978-2-07-014187-6