LES SURVIVANTS DE L’ANTARCTIQUE – L’odyssée Shackleton

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Description

Depuis mars se tient à l’American Museum of Natural History de New York l’exposition Endurance: Shackleton’s Legendary Expedition  où est présentée de façon quasi exhaustive l’oeuvre photographique de l’australien Frank Hurley concernant sa participation à l’Imperial Trans-Antarctic Expedition (1914-16).

Tirages effectués à partir des plaques et films conservés dans les photothèques de la Royal Geographical Society de Londres et du Scott Polar Research Institute de Cambridge (U.K.). La plupart se trouvent réunis dans cet album. Certains sont déjà bien connus tant ils ont déjà été reproduits; d’autres le sont moins. C’est l’occasion d’apprécier leur rare qualité, malheureusement souvent absente des photographies rapportées par les autres expéditions du début de ce siècle, qu’elles soient françaises ou étrangères. Cadrages, éclairages diurnes et nocturnes, rendus du grain de la neige, des givres, détails des glaces… du grand art avec lequel ne peuvent rivaliser que certaines épreuves de Ponting, lors de la seconde expédition de Scott, quelques mois plus tôt. Les photos sont souvent légendées à partir d’ extraits des journaux personnels ou d’autobiographies de nombreux membres de l’expédition ainsi que de divers ouvrages. Certaines légendes, dues à Hurley, sont passées au crible de la critique et corrigées à juste titre, ainsi celles de deux photos bien connues : Arrivée à Elephant Island (p.112, en fait il s’agit du chargement du James Caird à l’aide du Stancom Wills ) et Le sauvetage des hommes restés à Elephant Island  où il s’agit encore de la même opération. Si la retouche d’un cliché est heureusement signalée (p.105), une erreur concerne la légende de la page 84: il faut lire de droite à gauche et non pas l’inverse, comme le confirment la légende de la page 82 et la silhouette caractéristique de Shackleton.

Le texte de Caroline Alexander est plus qu’honorable pour cette journaliste, commissaire de l’exposition. Si elle n’hésite pas à dénoncer l’inconcevable incompétence de Scott (p.14), compensée deux pages plus loin par sa grande force d’âme, elle ne peut s’empêcher de citer les yeux reptiliens (!) des épaulards et  des températures pouvant avoisiner -90°C (p.12). Opportunément elle rappelle comment Hurley sauva ses négatifs avant l’engloutissement de l’Endurance : …Ce jour-là j’ai défoncé à la hache les épaisses parois de la chambre froide pour récupérer les négatifs que j’y avais entreposés. Ils se trouvaient sous 1 mètre de glace spongieuse dans laquelle je dus me plonger après m’être déshabillé jusqu’à la taille pour arriver à les repêcher.

Rappelant (p.17) que l’Endurance était un trois-mâts goélette qui n’avait jamais navigué, le Polaris, Caroline Alexander semble ignorer, ou du moins omet de rappeler, le rôle joué par Adrien de Gerlache de Gomery dans ses conception et construction. En 1907, Gerlache avait proposé la construction d’un navire pour les besoins d’une éventuelle seconde expédition antarctique belge, poursuivant cette idée sous la forme d’une société qui organiserait des croisières polaires. Le projet Stella Polaris (qu’il ne faut pas confondre avec le Stella polare, navire de l’expédition arctique du Duc des Abruzzes en 1899-00), fut unanimement soutenu par Bruce, Charcot, Drygalski, Nansen, Nordenskjöld, Shackleton, Sverdrup, Wandel. Tous trouvaient avantageux d’avoir sous la main un navire spécialement conçu pour naviguer dans les glaces, adapté non seulement au tourisme mais aussi aux exigences d’expéditions arctiques et antarctiques. Le nom de la société et du navire deviendront Polaris ; Gerlache en conçoit les plans et supervise tous les aménagements. Déjà divers chefs de futures expéditions polaires s’y intéressent dont Shackleton dès 1912. Il l’achète deux ans plus tard, le rebaptise Endurance, et, à sa demande, Gerlache assure les dernières finitions, convainc même Ernest Solvay de soutenir financièrement l’expédition de son ami irlandais.

Si l’on excepte quelques banales erreurs de saisie on s’étonnera quand même d’une banquise d’une trentaine de mètres de haut et de la mise à l’abri du navire au vent et non sous le vent d’un floe (p.35) ainsi que de la vision par Bakewell d’au moins un millier de chiens sur le pont alors qu’il n’y en avait alors que soixante neuf (p.28).

En dernière page une assez bonne bibliographie, présentée de façon peu commune, côtoie une intéressante notice relative au matériel photographique utilisé. L’ensemble mériterait quelque éloge s’il n’y avait un « gros hic », pour ne pas dire un vrai scandale, lequel porte gravement atteinte à l’oeuvre du photographe. Est-ce pour « faire moderne » que le maquettiste a incrusté les légendes dans de nombreuses photos (et pas dans les moindres), partiellement superposé certaines, bordé ou incrusté la plupart d’entre elles de bandes et/ou de coins diversement teintés de bleus, mutilant ou altérant ainsi 97 d’entre elles sur 141? Pour cette raison, s’il vous prend envie de publier un beau livre ne vous adressez surtout pas à l’Atelier Dominique Lemonnier!

INFORMATIONS COMPLÉMENTAIRES

Caroline Alexander.

Photographies de Frank Hurley.

Solar-Mer, 1998, reliure et jaquette illustrées, 24x31cm, 141 photos N&B, 1 carte, 158 p

ISBN 2-263-02790-4.