LE PIRE VOYAGE AU MONDE, Antarctique 1910-1913

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LE PIRE VOYAGE AU MONDE, Antarctique 1910-1913

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Description

Nous saluons la première traduction française (enfin !) de ce classique de la littérature de l’âge d’or de l’exploration antarctique. Alors que l’ouvrage a paru des dizaines de fois en Angleterre depuis 1922, sous de multiples formes, qu’il a été traduit en allemand, en espagnol, en japonais, et tout récemment en chinois, qu’il relate l’expédition polaire la plus célèbre faite au début du XXe siècle par Robert Falcon Scott au pôle Sud racontée par un des participants, il a donc fallu attendre presque cent ans pour qu’il soit accessible en français !  Sa lecture justifie amplement son titre, et, même si son intérêt est maintenant historique, même si le manque de cartes et d’itinéraires est frustrant, ce sont aujourd’hui d’autres aspects essentiellement humains d’une poignée d’hommes conduits par un chef exceptionnel, dans une région du monde encore extraordinaire et inhumaine, qui nous passionnent.

Cherry-Garrard ne tente pas de concurrencer le propre journal de Scott, Scott’s Last expedition, paru  dès 1913 après la mort de celui-ci. Mais il a pu utiliser les journaux personnels et les lettres de plusieurs de ses compagnons ; il a fait un choix dans ces témoignages directs, il a pu ainsi donner une image à la fois héroïque et tragique à l’expédition.

Apsley Cherry-Garrard (1886-1959) était un étudiant biologiste d’Oxford. Scott accepta de le prendre, parmi quelque huit mille volontaires, bien qu’il ne sortît pas, comme les autres scientifiques, de Cambridge. Scott (1868-1912), lui, était un officier de marine de la Royal Navy déjà bien connu en 1910, il avait choisi son équipe, des officiers, des scientifiques et des marins expérimentés : c’était une très bonne équipe d’une trentaine d’hommes, la British Antarctic Expedition.

Depuis le départ, le 26 novembre 1910, de Dunedin en Nouvelle-Zélande, du bateau baleinier Terra Nova qui transporta l’équipe avec tout le matériel, le ravitaillement, et les animaux (25 chiens de traîneau et 19 poneys), jusqu’à l’arrivée et le débarquement, le 2 janvier 1911, dans la Ross Dependency, – telle qu’on appelait alors cette partie de l’Antarctique où un Anglais sir James Clark Ross s’était aventuré le premier en 1840, – la traversée à travers les 40e et 50e fut épuisante, mais il semble que l’enthousiasme ne faiblît jamais. C’est l’occasion pour l’auteur de décrire l’approche du continent, de façon mystérieuse et réaliste à la fois : le nombre et l’impertinence des manchots Adélie, les troupes d’orques, les oiseaux océaniques fascinants, mais aussi les icebergs contournés en silence, les écroulements soudains et bruyants de falaises de glace, les couleurs changeantes de la mer, et la silhouette protectrice du volcan Erebus du haut de ses 3794 m scintillant au soleil et toujours entouré d’une légère écharpe de fumée vaporeuse.

Alors commença l’installation à Hut Point, pour un séjour de deux années. Retrouver la cabane construite là par Shackleton et son équipe en 1908 fit une étrange impression : comme des hallucinations, on crut voir des traces de sabots, entendre des disputes, puis on se fit à cet état d’hypersensibilité, qui est même allé très loin puisque, plus tard, certains entendirent Scott et ses compagnons les appeler dans la nuit polaire alors que ceux-ci étaient déjà morts depuis des semaines à des centaines de km. Par la suite, les mirages, dans des lointains masqués par la brume neigeuse, ne manquèrent pas : voir au loin d’étranges troupeaux, ce n’était que du crottin laissé par les poneys, voir d’imposants bâtiments et ce n’était qu’une petite boîte de biscuits abandonnée. Le blizzard, très violent, emporte tout repère, l’aiguille aimantée ne fonctionne plus. Tout départ en reconnaissance se fait dans la joie, puis très vite les difficultés surgissent, inhumaines, monstrueuses.

La première sortie, de janvier à mars 1911, consiste à faire des dépôts de ravitaillement sur la Barrière de Ross, vers la voie du raid final sur le pôle Sud. Scott ouvre la marche, suivent les traîneaux tirés par les poneys et les chiens. Les terribles coups de blizzard, les crevasses invisibles, les dégels subits rendent la progression éprouvante et dangereuse. Mais ce qu’on expérimente, surtout, c’est que les poneys ne sont d’aucune aide, bien au contraire. Ils sont indisciplinés, paresseux, surtout ils ne sont pas résistants. Beaucoup trouvent là une mort misérable, épuisés, ou sont simplement achevés. Les chiens non plus ne sont pas disciplinés, de plus ils sont cruels et affamés. Dès le début, Scott fut critiqué pour ce choix malheureux, fait par lui-même, des animaux de trait, qui furent la grande faille de toute l’expédition.

Le moral de toute l’équipe, et surtout celui de Scott, est atteint dès les premiers mois, par la visite inopinée du Fram, le bateau norvégien amenant Amundsen et son équipe qui, sans avoir prévenu personne, se préparent à atteindre, eux aussi, le pôle Sud . Cette dizaine de Norvégiens, grands, rieurs, simples, avançant sur de longs skis rapides et disposant de près de 150 chiens très endurants, font comprendre aux Anglais qu’il ne s’agit plus ni d’une expédition scientifique ni d’une course, mais bien d’une compétition entre deux nations, l’Angleterre et la Norvège. Il s’agit donc d’arriver le premier au pôle Sud, et de l’offrir à son roi ! Les Norvégiens installent leur camp sur une autre partie de la Ross Dependency, qui se révèlera bien plus sûre. Cette arrivée est vécue par les Anglais d’abord comme une sorte de trahison de la part des Norvégiens, puis ensuite comme une tragédie. « Nous avons dit adieu aux Norvégiens, mais ils nous hantaient », écrit Cherry-Garrard.

La cabane de Hut Point est le lieu de ralliement. Cherry-Garrard en parle avec nostalgie : « On y perçoit, en effet, comme tout lieu où l’on a éprouvé de grandes joies et de grandes peines, une atmosphère particulière. Sans doute est-ce en partie esthétique : la mer, la montagne, les jeux de lumière au printemps et à l’automne fascineraient le moins imaginatif des hommes. Il y a aussi une part de mystère : le seuil de la Grande Barrière, la fumée de l’Erebus, et, la nuit, les voiles de l’aurore australe… Tout l’arrière-plan est bouché par les 3794 m de l’Erebus. Nous vivons dans son ombre, nous lui vouons une admiration et une affection mêlées de crainte, au pied de ce géant nous nous sentons plutôt en sécurité … Il serait erroné de croire que l’Antarctique est un continent blanc, la neige a de multiples nuances, parmi lesquelles dominent le bleu cobalt, le garance et toute la gamme des lilas et des mauves ». Sans cesse reviennent les mots de beauté, majesté, et aussi respect, effroi. « Ces jours passés à Hut Point resteront parmi les plus heureux de ma vie », écrit-il.

Le premier été polaire se passe bien, à s’entraîner, et à faire des relevés scientifiques : glaciologie, géologie, météorologie, biologie, marégraphe ou ballons-sondes.

C’est là que Cherry-Garrard donne un portrait flatteur de Scott : « Scott, qui m’étonne toujours par la quantité de travail qu’il est capable d’abattre sans effort apparent, est la force motrice de l’expédition. Il a une intelligence rapide, moderne. Sa personnalité est attirante, ses goûts et dégoûts sont marqués, il a toujours un mot sympathique pour ceux qui le suivent et dont il fait bientôt ses amis. Je n’ai jamais rencontré, homme ou femme, qui sache autant que lui se faire aimer, quand il le veut. Le personnage de Scott est subtil. Il n’est pas, physiquement, d’une solidité à toute épreuve, il a des sautes d’humeur, des périodes de dépression. Il n’a aucun sens de l’humour et manque de discernement. Au regard de l’histoire, il est l’Anglais qui a conquis le pôle Sud, et qui est mort en homme d’honneur. Le Pôle n’est en aucun cas son plus beau triomphe, sa plus grande victoire est celle qu’il a remportée sur ses faiblesses, devenant par là même le chef que nous avons suivi et appris à aimer. »

Puis a lieu le fameux « voyage d’hiver », du 22 juin au 1er août 1911. Cette expédition de trois hommes, préparée depuis longtemps par Wilson l’ornithologue, consiste à retrouver, dans la nuit polaire, une colonie de manchots empereur à une centaine de km, au cap Crozier, pour étudier leur nidification polaire. C’est la justification de toute l’expédition : retrouver un « chaînon manquant » pour démontrer l’évolution du reptile à l’oiseau, – hypothèse qui ne fut pas confirmée, quand les scientifiques londoniens disposèrent des témoignages rapportés. Ils partent le 22 juin, c’est la pleine nuit polaire, et ne reviendront que cinq semaines plus tard : « Il conviendrait de revivre l’horreur que représente ce voyage afin d’en prendre la pleine mesure. Tout vient de l’obscurité, et la température oscille de -50° à -60°C ». Falaises de glace énormes et croulantes, coups de blizzard terribles, crevasses, matériel égaré dans le noir, traces immédiatement perdues dans la tempête, faim, manque de sommeil. Plusieurs fois, chacun d’eux a pensé à la mort comme à une libération douce, et pourtant, chacun d’eux a tenu bon, sans esprit de gloire, jusqu’au retour. C’est là que Cherry-Garrard, qui était de l’équipe, a pu écrire ces mots : « the worst journey in the world ».

Ensuite, vient la préparation du raid final sur le pôle Sud : logistique préparée par Scott seul, devant tenir compte de l’état et des capacités des hommes, et surtout des animaux de trait subsistant. C’est là qu’on voit que la sensibilité de Scott pour ses animaux est presque égale à celle qu’il montre à ses équipiers. Mais il est toujours lui-même en tête. Il choisit quatre de ses compagnons les plus aptes pour courir avec lui la phase finale, et parmi eux ses deux meilleurs amis, Bowers et Wilson.

Pendant que le petit groupe part vers le pôle, les autres hommes, qui les ont accompagnés le plus loin possible avec le ravitaillement, se partagent en équipes, et commencent un terrible voyage de retour au camp de base : « Plus nous tentons de sortir des crêtes de pression pires elles sont. Il nous semble parfois que nous n’avancerons plus jamais. Nous ne pouvons ni faire face ni battre en retraite. Nous luttons des heures durant, tout paraît se liguer contre nous ». À cela s’ajoutent les douloureuses ophtalmies, les crises invalidantes de dysenterie, les premières atteintes du scorbut, – et plus de six cents km avant de revenir à Hut Point. La faim est tout le temps présente, chez ces hommes qui vivent comme ont toujours vécu les chasseurs baleiniers, tuant un phoque ou un manchot quand il s’en présente : on en mange la chair souvent crue et la graisse sert à un maigre éclairage et chauffage. Les chiens restant, comme les hommes, mangent les poneys morts.

Mais ce qui nous surprend encore aujourd’hui, c’est l’extrême retenue avec laquelle ces équipes de retour évoquent les cinq qui sont partis. C’est même avec une apparente indifférence qu’ils en arrivent à juger leur retour improbable. Vers le 17 mars 1912, alors que le petit groupe devrait revenir, « Nous commençons à ressentir un peu d’anxiété, mais il est inutile de nous affoler, ils peuvent arriver plus tard sains et saufs ». Le 18 mars « Nous sommes très inquiets ». « Atkinson a l’air fou d’anxiété et je ne me sens pas mieux. » « Nous sommes couchés depuis deux heures quand cinq ou six coups résonnent, ce sont eux ! Nous nous précipitons au-dehors. Personne ! Jamais je n’aurai autant eu l’impression d’avoir affaire à un fantôme. Ce devait être un chien ». « Le 29 mars, j’étais intimement persuadé qu’ils avaient péri ».

L’histoire du raid final au pôle, tragique puisqu’il finit par la mort des cinq hommes, n’est plus racontée par Cherry-Garrard : nous la savons par les carnets de Scott lui-même retrouvés des mois plus tard à côté des corps gelés. À l’aller, ils suivent l’itinéraire qu’avait déjà tenté Shackleton en 1908, il se passe alors comme une étrange course entre Scott et l’ombre de Shackleton, mais celui-ci avait senti l’impossibilité d’arriver au but et était revenu à sa base de départ. De plus, il semble évident qu’un état de dépression a saisi Scott, lorsque, arrivé au pôle Sud, il a aperçu le drapeau norvégien planté par Amundsen un mois plus tôt. Il a, non pas échoué, mais perdu la course.

C’est le 29 mars 1912, d’après ses carnets, que Scott aurait péri, le dernier de tous. Ils se sont perdus dans le blizzard sur le chemin du retour, et n’ont plus aucun ravitaillement. Quelques jours plus tôt, l’un d’eux, Oates, atteint de gangrène, avait eu ce simple mot, d’un stoïcisme resté célèbre : « Je vais faire un tour, je serai peut-être un peu long », et on ne le revit plus.

La suite est bien connue : après le retour de l’été polaire, un groupe des compagnons part à leur recherche. Ils ont retrouvé la tente, avec les corps intacts, le 12 novembre 1912. À côté, toutes les notes, les carnets, les films, les relevés scientifiques, les échantillons géologiques, et les lettres écrites par Scott lui-même. On a laissé les corps sur place, on a planté deux skis en croix comme signalement.

Pendant ce dernier été polaire, jusqu’au 19 janvier 1913 où le Terra Nova est venu reprendre l’équipe, beaucoup de projets scientifiques sont enfin réalisés, dont celui de gravir l’Erebus. Puis, en moins d’un mois, le Terra Nova revient en Nouvelle-Zélande : « tout est si semblable ! c’est à croire que nous avons fait un effroyable cauchemar et que nous ne parvenons pas à nous convaincre que nous sommes enfin réveillés ».

Le dernier chapitre du livre de Cherry-Garrard s’intitule : Jamais plus…C’est comme un écho à cette phrase de l’introduction : «les tranchées d’Ypres avaient tout d’un pique-nique, comparées à l’Antarctique » Et sa phrase, the worst journey in the world, qualifiant d’abord le terrible raid au cap Crozier dans la nuit polaire, s’étend maintenant à toute l’expédition de Scott. Mais ce que Cherry-Garrard ne pouvait pas, alors, prévoir, c’est que le beau portrait qu’il nous donne de Scott, est celui-là même du « chef » tel qu’il évoluera au cours du XXe siècle, s’égarant trop souvent vers une dérive bien connue.

Il est difficile de faire une appréciation juste de cette extraordinaire expédition, qui a été immédiatement suivie par la guerre de 14-18 : celle-ci a, immanquablement, un peu effacé celle-là. Dépassement de soi-même, souffrances muettes, actes d’héroïsme obscurs, sacrifices inutiles, stoïcisme, haute idée de la nation : on trouve déjà tout cela dans le récit de l’expédition de Scott, comme une préfiguration, inconsciente, de ce qui allait si vite advenir à l’échelle du monde.

INFORMATIONS COMPLÉMENTAIRES

Apsley Cherry-Garrard traduit par Thibaut Mosneron Dupin 

Ed. Paulsen, coll. Biographies/aventures – mai 2008 – broché, couverture illustrée – 15 x 21 cm – illustrations N et B : photos, dessins, cartes – 650 pages 

ISBN : 978-2-916552071.

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