LE CENTAURE DE L’ARCTIQUE
LE CENTAURE DE L’ARCTIQUE
Prix : 19,66€
Description
A l’exception d’une douzaine de pages qui lui sont consacrées à la fin de la très intéressante Exploration de la Sibérie publiée en 1996 par Actes Sud-Terres d’aventures sous la plume d’Yves Gauthier et d’Alain Garcia, on chercherait en vain le récit de l’invraisemblable exploit du jeune Gleb Travine qui résolut un jour d’effectuer le tour de l’Union soviétique à bicyclette: plus de vingt mille kilomètres dont presque la moitié sur les côtes sibériennes. Yves Gauthier connaît bien le contexte de cette aventure : histoire, géographie, littérature des régions traversées ; il cerne bien les enjeux et, à travers l’exploit, la personnalité de celui qui l’accomplit.
Ouvrier soviétique, Travine décide en 1927 d’accomplir seul et sans assistance le tour de son pays. Il doit se battre pour pouvoir importer une bicyclette de qualité, américaine. Parti du Kamchatka, il gagne Vladivostok, traverse le Caucase et l’Asie centrale, la Crimée, l’Ukraine, atteint Mourmansk d’où il s’élance dans une stupéfiante épopée arctique malgré les autorités locales qui rechignent parfois à le laisser poursuivre sa route et les spécialistes du Grand Nord qui font tout pour l’en empêcher. Il roule sur la banquise, se nourrit de ce qu’il parvient à chasser ou à pêcher, ampute lui-même ses orteils gelés. Consigné à bord du brise-glace Lénine, où il rencontre le journaliste français Edmond Tranin, pigiste au Petit Parisien, Travine s’en échappe en sollicitant la permission de se rendre sur le Volodarski encerclé par les glaces à une trentaine de kilomètres de là. Il passe ensuite rapidement sur le Malyguine avant d’entreprendre la traversée du Taïmyr, poursuit sa route, couvre en moyenne une cinquantaine de kilomètres par « jour » dans la nuit polaire… Trois ans et quatorze jours après en être parti, le 24 octobre 1931, le Centaure de l’Arctique, « l’homme qui chevauche un renne de fer » – ainsi que le décrivent les petits peuples du nord, pratiquement les seuls à le comprendre – arrive à Petropavlovsk-Kamtchatki ; il a bouclé son périple, en ramène le journal où sont consignées les péripéties du voyage.
Ce qui étonne chez ce simple ouvrier, patriote convaincu, communiste sincère, c’est que le tourisme ne l’intéresse pas, il traverse des régions, des villages sans les regarder. Il pédale pour célébrer l’homme nouveau soviétique et rechercher probablement aussi ses propres limites. Comme le met bien en évidence Yves Gauthier et le souligne Jean Soubin dans le Monde (du 01/06/01), on touche ici à un appétit humain mystérieux mais assez répandu : la soif de se dépasser pour un but, même s’il parait futile. Dans ce genre de tentative, celui qui l’entreprend se heurte aux autres autant qu’à lui-même.
Sous Staline les exploits individuels sont malvenus. Revenu, pour ne pas être inquiété Travine doit cacher sa bicyclette, son exploit ; dans sa ville natale, à Pskov, ses soeurs brûlent ses archives, lettres et photographies, preuves d’un voyage considéré comme suspect. Ce n’est qu’au milieu des années cinquante qu’est réhabilitée l’incroyable odyssée. Un peu après 1960 la bicyclette est transférée au musée de l’Arctique et de l’Antarctique de Saint-Pétersbourg avec quelques-uns de ce qui reste à son propriétaire de ses accessoires de voyage dont, heureusement, le livret de route certifiant son identité et scrupuleusement tamponné à chaque étape. L’ensemble a depuis été transféré au musée de Pskov.
On peut se demander où Travine puisait tant de forces morales : chez… Faust, Ulysse et don Quichotte. Ce qui me fascinait chez Faust, c’était son appétit insatiable de savoir ; chez Ulysse, sa manière de faire face à l’adversité; chez don Quichotte, sa volonté édifiante et désintéressée de se mettre au service de la beauté et de la justice. Chez tous les trois, il y avait comme un défi aux idées reçues. Ils m’ont aidé à tenir bon dans les moments difficiles. Après tout, moi aussi, en m’aventurant dans l’Arctique à vélo, j’avais défié l’inconnu.
INFORMATIONS COMPLÉMENTAIRES
Yves Gauthier, février 2001, Actes Sud (Arles).
Broché, couverture illustrée, 11,6 x 21,7 cm, 2 photos N&B dont une en couverture, 256 pages.
ISBN 2-7427-3090-7.