Hubert Wilkins : les folles aventures d’un explorateur de génie
Hubert Wilkins : les folles aventures d’un explorateur de génie
Prix : 23,00€
Description
L’auteur, Simon Nasht, Australien né en 1920, est un journaliste, cinéaste, documentariste, qui s’attache à des sujets plus ou moins connus de l’Australie.
Il a produit un documentaire sur l’Homme de Florès, ce squelette d’australopithèque découvert en 2003 par un paléontologue australien, – un autre en 2006 sur Errol Flynn, flamboyant acteur d’Hollywood né en Tasmanie, – et aujourd’hui enfin une biographie de Sir Hubert Wilkins, explorateur de l’un et l’autre pôles, aventurier à l’enthousiasme indestructible, né près d’Adélaïde (Australie méridionale) en 1888 et mort à New York en 1958. Or, Hubert Wilkins est à peu près inconnu dans l’histoire de l’exploration polaire du XXe siècle ! Toutes les archives, correspondances, et coupures de presse le concernant, ayant été rassemblées au Byrd Polar Research Center de l’université de l’État d’Ohio, c’est à partir de ces sources que Simon Nasht a reconstitué la vie de Wilkins et qu’il nous offre ainsi, comme l’annonce la bande publicitaire de la traduction française, « le récit d’aventure le plus réjouissant du XXe siècle ! ».
En plus de cinq cent pages, nous découvrons la naissance et le développement des passions qui ont motivé les entreprises de Wilkins. Il se trouve que ces « passions » allaient de pair avec les perfectionnements techniques de son siècle : la photographie tout d’abord, l’aviation ensuite ; mais, par-dessus tout, il y a eu la course à la découverte des parties encore non explorées de la Terre, les deux pôles. La photographie : pendant la Première Guerre, dès que ce fut possible, Wilkins s’est engagé dans la section du cinéma de guerre australien (Australian War Record Section) du corps expéditionnaire australien venu à côté des Britanniques sur le front des Flandres, dans la sanglante bataille autour d’Ypres. Là, il s’est lié d’amitié avec son aîné Frank Hurley, célèbre photographe australien qui avait accompagné l’expédition antarctique tragique de Shackleton juste avant la guerre, et qui en a rapporté les photos les plus émouvantes et les plus belles. Wilkins fut, dans cette bataille des Flandres, l’auteur de plusieurs exploits, prouvant son audace et son courage, de même que sa solidarité sans faille avec les hommes. Il est certain que ce sont ses relations d’amitié avec Frank Hurley qui l’ont convaincu de poursuivre ses expériences photographiques, en utilisant les procédés les plus acrobatiques. L’aviation : il a vu, justement pendant cette bataille d’Ypres, les avantages énormes apportés par les avions qui ne cessaient alors de se perfectionner. Et, dès la fin de la guerre, il saisit toutes les occasions possibles. Encore une fois, il fit preuve d’un courage et d’une audace stupéfiants, car ces avions trop légers finissaient souvent leur vol en catastrophe ; mais lui n’hésitait pas à s’installer à califourchon sur la carlingue même, en plein air, juste derrière l’hélice !
Les aventures de Wilkins furent sans nombre, au point qu’il croyait même qu’il jouissait d’une protection surnaturelle spéciale – croyance qu’il a affermie tout au long de sa vie en étant adepte de théories voisines de la scientologie. Enfin, il entra, dès avant la guerre, dans la course des régions polaires inconnues, dans la mer de Beaufort au nord de l’Alaska. Il pensait, comme beaucoup d’autres, que l’époque des chiens de traîneaux devait se terminer. Le repérage des positions pouvait se faire grâce aux observations données par l’aviation. Et, surtout, il a insisté tout au long de sa vie sur la nécessité de capter des données météorologiques, et donc de créer des centres d’observations les plus nombreux possibles. Il faut lire le livre, et découvrir toutes les tentatives de Wilkins pour participer à tous les projets d’expéditions : ils sont innombrables, que ce soit des expéditions officielles, de sociétés savantes, ou simplement publicitaires plus ou moins financées par des journaux, ou des expéditions de secours souvent malheureuses (comme celle de deux soviétiques disparus en Arctique). Le rêve de Wilkins était de survoler l’un et l’autre pôles par avion, et il n’y a jamais réussi, il a cassé ou perdu en mer un grand nombre d’avions, et il a dû toujours reculer et renoncer. Ce n’était pas la gloire personnelle que cherchaient tous ces aventuriers, encore moins l’argent qui ne servait qu’à financer l’entreprise suivante. Par contre, il semble qu’ils avaient tous le désir de représenter leur pays dans cette course, et de lui faire gagner la victoire. Après la Seconde Guerre, Wilkins fit encore un projet à la limite de la folie : atteindre le pôle Nord en sous-marin en passant sous la banquise, dont il ne connaissait presque rien. Très mal équipé, il faillit bien perdre tous ses hommes ainsi que le sous-marin, et il revint à grand peine sur les côtes de Norvège. Cependant, il fut consulté lorsque la marine américaine décida d’envoyer le sous-marin à propulsion atomique le Nautilus, qui réussit en 1958 à passer sous la calotte glaciaire exactement au pôle Nord, comme aurait aimé le faire Wilkins lui-même. On se souvenait alors de son caractère empirique qui lui avait permis de connaître les régions subpolaires comme presque aucun autre à son époque.
Lorsque Wilkins mourut, à peine quelques mois après l’exploit du Nautilus, un autre sous-marin à propulsion atomique, le Skate, fit surface au pôle Nord, et dispersa ses cendres au vent. Geste émouvant de reconnaissance. Il fut un visionnaire, un peu comme Jules Verne le fut. On lui doit certainement – mais pas à lui seul –, l’installation d’un réseau de météorologie international ; on lui doit surtout d’avoir, avec une modestie singulière en même temps qu’avec enthousiasme, fait avancer la connaissance de la Terre. Il fut bien, surtout, un aventurier. Quel intérêt présente donc ce livre pour nous, les Français ? À plusieurs reprise, l’auteur Simon Nasht évoque avec regret la méconnaissance où furent tenues les tentatives nombreuses de Wilkins, et surtout la méconnaissance où est encore sa mémoire même dans son pays l’Australie. Le titre anglais du livre est : « The Last explorer, Australian unknown hero ». Mais Wilkins, de même que Simon Nasht, ont-ils évoqué seulement une fois le commandant Charcot pour ne citer que l’un des plus grands ? PaulÉmile Victor, qui a établi les voies de la recherche arctique et antarctique en France ? Et même, pour remonter dans le temps, l’exploit, il y a cent ans, des frères Rallier du Baty pour la connaissance de l’océan Austral ? Le monde de Wilkins est essentiellement anglo-saxon, américain (c’est d’Amérique qu’il a obtenu l’argent indispensable). Il n’a jamais connu, semble-t-il, les théories nationalistes des concurrents allemands, italiens ou soviétiques, les comprenait-il ? S’il a beaucoup sympathisé avec ses équipages, c’est qu’ils étaient ou des anciens de la guerre plutôt casse-cou, ou des anciens baleiniers d’une résistance physique à toute épreuve. Wilkins, explorateur de génie : c’est peut-être le placer un peu haut. Héros généreux : oui, certainement !
Gracie Delépine
INFORMATIONS COMPLÉMENTAIRES
de Simon Nasht, trad. de l’anglais par Catherine David
Éditions Paulsen, oct. 2012 – broché, couv. ill. – 15 x 21 cm – cartes N et B – ill. photogr. – 541 p.
ISBN : 978-2-916-552-25-5