GROENLAND. Expédition DUMONT 1956/57

Avertissement : Tout ce qui est rapporté provient ou est extrait des documents écrits, audio et vidéos.

Depuis plusieurs années je souhaitais écrire quelques lignes sur l’Expédition Jean Dumont. Pour rappeler aux anciens, informer les plus jeunes, faire découvrir à l’ensemble des camarades de l’AMAEPF, puisque seulement 11% d’entre nous sont passés par les E P F et que seulement 1.3 % est allé au Groenland, cette expédition d’un genre très particulier. Pas pour en faire des héros mais leur rendre un hommage bien mérité à mes yeux.

Rappeler aussi que les Expéditions Polaires Françaises durant 20 ans ont organisé de nombreuses missions au Groenland. C’est sur cette île, la plus grande du monde, que techniciens et scientifiques ont appris le  » métier  » de polaire, l’organisation au sens large du terme. (Je n’invente rien puisque le  » Chef  » lui même me l’a écrit) Adapter les programmes scientifiques, la vie des hommes, le matériel aux contraintes et aux rigueurs climatiques. Je ne reviendrai pas en détail sur les objectifs et vous invite à visiter sur le site de l’A.M.A.E.P.F
(Des prémices aux premières missions au Groenland et en Terre-Adélie – Les Grands Anciens).

Photo descente du puits prise en 1959 (photo EPF)

J’ai eu la chance de descendre dans le célèbre  » Puits Dumont  » en 1967. Descendre dans un tunnel, sur 60 mètres de longueur, à une profondeur de 40 mètres dans la calotte glacière, I.M.P.R.E.S.S.I.O.N.N.A.N.T !! Lorsque l’on sait qu’il a été creusé au pic à glace et à la pelle. Plus de 300 m3 soit plus de 150 tonnes (1) ont été extraites et évacuées à plus de 500 mètres de la base pour éviter la formation de congères. Un tunnel à l’origine de 2.5 m de haut, 2 m de large, inclinaison à 45° dans lequel ont été taillées des marches, vous conduit jusqu’à deux sphères parfaites dans lesquelles ont été effectuées diverses mesures glaciologiques. Lorsque nous ouvrons la station Jarl-José en 1967, l’entrée du tunnel n’a qu’un mètre de hauteur et de largeur alors qu’en bas il n’a subi que peu de déformation.

Photo de 1967 : entrée du puits, on observe les déformations du plafond, du bas. Mesure au théodolite.

C’est pour vous faire partager ces sensations que je vous offre ces quelques lignes.

Depuis plusieurs années je recherche des informations à ce sujet. Peu ou pas de documents aux E.P.F. puisque c’était une opération privée. Les participants ont presque tous disparu et (ou) n’ont plus de liens avec les E.P.F. Ma première découverte, les deux  » Paris-Match  » relatant l’événement (2). Puis, grâce au moyen moderne de recherche qu’est Internet, je retrouve la trace des familles. Là une copie de mauvaise qualité certes mais une copie des quelques images tournées par Jean Dumont avec une caméra 9.5 mm. Puis sorti de nulle part ailleurs, le dernier survivant, Jean DIRRAISON, le radio, toujours en pleine forme. Il possède quelques documents mais aucune photo. Et  » The cherry on the cake « , dernièrement je tombe sur des photos prises par de LANNURIEN. Problème il faut identifier les acteurs. Grâce à l’ANTAM :

Association National du Transport Aérien Militaire
http://antam.fr/pages/asso_menu.html
me permet d’authentifier les acteurs et de rentrer en contact avec le Général MEJEAN. (Grâce à cette association j’avais retrouvé une partie des équipages de l’E G I G en 2007).

Où sommes-nous ? 71° 21′ N et 33° 28′ O.
C’est ici, le 27 août 1956 à 15 h 15 local que quatre hommes atterrissent en parachute.
Qui sont-ils ?
Jean DUMONT
Michel de LANNURIEN
Pierre GENNESSEAUX
Jean DIRAISON

A la tête de l’Expédition, Jean DUMONT, ingénieur de l’ECAM de Lyon. Le seul à posséder une expérience polaire. C’est en 1950 que Jean DUMONT apparaît aux Expéditions Polaires. Il est un des membres de la troisième expédition et membre de l’équipe d’hivernage à Station Centrale sous la direction de Paul Émile VOGUET. Il est engagé comme mécanicien. Mission qui relève la première équipe française à avoir hiverné au centre du Groenland sous la direction de Robert GUILLARD. Pour ce dernier, ce n’est qu’un début puisque nous allons le retrouver tous les ans et ce durant 44 ans !! Rappel : La Base est située par 70° 55 N et 40° 38 O à quelques mètres de l’endroit où eut lieu l’hivernage allemand en 1936 (Expédition d’Alfred Wegener durant laquelle il disparu). Puis Michel de LANNURIEN Officier parachutiste de la Légion Étrangère qui est chargé de la météo, Pierre GENNESSEAUX Médecin militaire et Jean DIRAISON radio en poste au Ministère de l’Intérieur, place Beauvau, gros pourvoyeur de Radios aux E P F. C’est René MERLE qui a  » branché  » Jean DIRAISON avec Jean DUMONT.

Au retour de son hivernage, Jean DUMONT imagine de monter sa propre expédition. En 1953 débute l’étude de cette expédition, il élabore un plan de campagne. Il propose un programme scientifique qui tient compte des contraintes techniques. Il soumet cette étude aux E P F ainsi qu’à l’Institut des Glaciers Suisse. Le projet retient l’attention, il est décidé que cette expédition sera en quelque sorte la campagne préparatoire pour les prochaines expéditions, les quatre campagnes de l’E.G.I.G. (Expédition Glaciologique Internationale au Groenland). Il lui est demandé entre autre d’installer sa base à un point précis sur l’Inlandsis 71° 42 N et 34° 49 O, en vue de la prochaine E.G.I.G. Point qui ne sera pas tout à fait respecté pour des raisons météorologiques prévalant le jour J. (Brume sur l’endroit prévu) mais vent de 40 km / h sur le lieu du saut !! (voir rapport du général MEJEAN).

Il reçoit une aide des E P F. Les E P F mettent à sa disposition une partie des locaux du 47 Av du Maréchal FAYOLLE.

Il est important de souligner que le financement est entièrement à la charge de Jean DUMONT. Un des postes supprimé du budget, les salaires !! C’est ainsi que deux des membres, lui et Jean DIRAISON ne toucheront aucun salaire. Michel de LANNURIEN et le Docteur GENNESSEAUX eux perçoivent leur solde militaire. Il était prévu que l’argent reçu des sponsors, le plus important la presse,  » Paris Match  » en particulier, servirait à payer les dettes et que le solde serait partagé entre les membres. Jean DIRAISON me confiait dernièrement que la somme qu’il avait reçu avait financé l’achat d’une Vespa !! (environ 160.000F soit la valeur de 2.451€ aujourd’hui). Paul Émile VICTOR nous disait  » Il y en a qui paieraient pour être à votre place « 

Photo du groupe avant le départ de Keflavik
Courrier de Suzanne DUMONT expliquant à la mère de Jean DIRAISON les conditions de recrutement !!

Divers organismes ont offert du matériel, d’autres du prêt d’appareils scientifiques, et la Défense Nationale le transport et les parachutages. Jean DIRAISON, lui court dans Paris pour trouver un poste émetteur récepteur et du matériel radio. Seul le Cpt Michel de LANNURIEN a une expérience du saut en parachute. L’équipe reçoit donc un petit entraînement au saut et effectue un seul et unique saut. Le 26 août 1956 le Nord Atlas immatriculé F-RBHA – 53 décolle de la base de Toulouse.

Je ne développerai pas le transport aérien puisque le Général MEJEAN m’a fourni son compte rendu qu’il m’autorise à publier ici :

MISSION GROENLAND du Cdt MEJEAN

Le 27 août 1956, par beau temps frais et bonne brise du nord, le NORATLAS FRBHA lourdement chargé décolle de la belle et longue piste bitumée de la base Islandaise de KEFLAVIK, construite au profit de l’OTAN, sur une langue de terre désolée, à l’extrême pointe sud ouest de cette île immense au sol volcanique rugueux et infécond.

Sitôt après le décollage c’est la montée et la mise au cap nord, au-dessus de l’océan. Les moteurs tournent rond : pour eux c’est une mission comme une autre. Pour nous c’est la mission GROENLAND. C’est le premier des huit vols qui, à partir de Keflavik, doit permettre de parachuter puis de ravitailler sur la calotte glacière du Groenland, Jean Dumont et son équipe. Malgré le beau temps, malgré le soulagement d’être enfin dans l’action, c’est une lourde responsabilité aggravée par l’ignorance où nous sommes des questions arctiques.

Dans le gros fuselage cylindrique, sont entassés les 24 colis à larguer. D’un poids de 100 kilos environ, chapeauté du sac vert du parachute, brêlé, ficelé solidement et arrimé sur une plaque de bois, chaque colis peut ainsi au moment du parachutage être facilement amené au moyen de deux longs chemins de roulement à galets, tout près de la porte béante et être basculé dans le vide sur l’ordre du pilote. Tout à l’arrière se tiennent, assis ou accroupis où ils peuvent, sept hommes. Il y a là toute l’équipe Dumont. DUMONT, le glaciologue, vétéran des Expéditions Polaires Françaises de P.E. Victor, de LANNURIEN, capitaine de para, J.M. GENNESSEAUX, médecin militaire et DIRAISON, le radio de la police nationale. Autour d’eux, les parachutes, les sacs, les casques, les lunettes, tout ce bric à brac du parachutiste qui va en faire tout à l’heure ce polichinelle gauche, bosse dans le dos, bosse sur le ventre.

A côté d’eux les trois « dispatchers », les largueurs, ceux qui ont la charge de préparer les colis, pas trop de hauteur pas trop de largeur, bien équilibrés, bien sanglés, puis de les installer dans le fuselage en les arrimant solidement puis, au moment du parachutage, de les présenter à la porte et de les pousser dans le vide, lorsque le « GO » donné par un signal optique vert apparaît devant eux.

Pour la mission GROENLAND on avait fait appel à un ancien des expéditions Polaires, le capitaine VINCENDON qui, en 1951, avait déjà assuré le ravitaillement par avion des « weasels » (chenillettes) de Paul Émile Victor. A côté de lui, un autre ancien, le capitaine Gerbert, parachutiste d’essai au Centre d’Expérimentation aériennes militaires de Mont de Marsan, deuxième dispatcher et Daniel Camus, reporter à PARIS MATCH, ancien parachutiste, qui n’hésite pas, après la prise de vue, à pousser les colis. A l’avant l’équipage du centre d’Instruction des Équipages de transport de Toulouse bien installé dans son vaste poste, les deux pilotes commandant Méjean, commandant l’expédition, premier pilote, chef de bord à gauche, Lt BAUDIN à droite, le mécanicien adjt-chef MAZIERE, font face a l’avant. Derrière eux, le premier navigateur commandant CADET et le radio Lt GRANDOTTO sont assis face â l’arrière, devant leurs instruments et leurs appareils. Enfin, debout au centre du poste de pilotage, sous l’astrodôme dans lequel il passe très régulièrement la tête pour faire sa visée, l’adjudant FABIANI, deuxième navigateur. Chacun s’est équipé en prévision du froid. Les lourdes combinaisons chauffantes, les bas de laine et les bottes de vol, les cache-nez et les gants font de chacun une masse aux contours flous sur lequel le jaune canari du gilet de sauvetage maritime que portent les deux pilotes jette une teinte gaie. Contre la réverbération â prévoir sur le plateau glaciaire éclatant de blancheur, les lunettes de vol avec leurs verres spéciaux contre les effets de l’altitude (le Nord 2501 n’a pas de cabine étanche) les masques à oxygène. L’intérieur de l’astrodôme bénéficie d’un chauffage catalytique pour empêcher le givrage. Contre les dangers d’un amerrissage forcé, nous emportons les canots de sauvetage pneumatiques réglementaires et contre les risques d’un atterrissage forcé sur la glace, nous avons constitué un lot d’équipements complet nous permettant de vivre à haute altitude en attendant les secours. L’avion lui-même est équipé d’une peinture orange sur les ailes pour faciliter des recherches éventuelles. Enfin, ultime ressource, chacun a son parachute à portée de main et le mécanicien a prévu un substantiel casse croûte, s’il est possible d’appeler ainsi, ces belles tranches de pain de mie moulées et coupées géométriquement à la mode américaine.

Ainsi vole l’avion : il a son plein complet d’essence. Avec son équipage, les équipements spéciaux et de secours et malgré la chasse à tous les poids inutiles, il pèse déjà environ 19 tonnes.

Comme il n’est pas possible de dépasser un poids maximum au décollage au-dessus duquel des risques de fatigue excessive apparaîtraient, nous n’avons à proposer à Dumont qu’une charge déjà coquette de 2.700 kg. Au total, l’avion pèse donc 21.700 kg.

La montée par ciel pur s’est effectuée : nous volons maintenant à 3.500 m dans un air absolument calme. Sous nous, l’océan bleu foncé. Nous allons survoler successivement les trois bras de terre d’Islande qui s’enfoncent vers l’ouest et qui, sur les atlas, font ressembler cette grande île à un crabe. Après le survol de la dernière côte d’Islande, il restera 45 minutes de vol au-dessus de l’océan avant d’atteindre la côte du Groenland.

Puis il y aura 45 minutes environ au-dessus de l’énorme rognon sud est du Groenland dont le relief est bien détaillé sur les cartes. Après ces 45 minutes, nous repérerons a vue un sommet caractéristique et un glacier dans le fond de fjord et nous prendrons un cap vers le Nord Ouest. De là, seule l’habileté et la compétence du navigateur, la précision avec laquelle il aura pu calculer le vent sur les trajets précédents (en supposant encore que ces vents resteront constants ou à peu près semblables) permettront de situer, à 45 minutes exactement de ce dernier point de repère identifiable, le lieu vierge dans l’immensité blanche où l’équipe Dumont veut être larguée pour l’hivernage et les travaux de glaciologie à réaliser.

Ce schéma du vol que chacun porte en tête se traduit par les chiffres suivants : environ 3 h 25 de vol soit plus de 1 000 km au nord du point de départ. Autant pour revenir. Si nous réservons 45 minutes d’essence en cas de mauvais temps, au retour à Keflavik, pour orbiter au-dessus du terrain dans les nuages, il nous reste environ deux heures à passer au-dessus du point de largage. Or nous comptons faire environ 12 passages pour parachuter les colis avec précision. Chaque passage nécessite 5 minutes soit au total une heure. Pour le premier voyage nous avons une bonne marge mais lorsque nous reviendrons demain, il faudra peut-être chercher pour retrouver le camp, ces trois minuscules tentes dans le blanc aveuglant : pour cela une petite heure d’essence ne sera pas de trop.

Voilà les préoccupations immédiates; à celles-ci s’ajoute ce sentiment de l’inconnu vers lequel nous volons. Paul Émile Victor m’a parlé de la difficulté mais de la nécessité de certains largages à très basse altitude (5 à 10 mètres au-dessus d’une surface sans relief, sans ombre) pour le free drop de fûts d’essence : voler trop haut c’est risquer la détérioration des colis, voler trop bas est un risque trop sérieux. Aujourd’hui nous n’avons pas à aller si bas. Les hommes seront parachutés à 400 m au-dessus de la glace, les colis à 250 mètres. Après quoi, si tout va bien, j’essaierai un rase motte pour voir, gratuitement.

Et cette crainte lancinante de la météo sur le lieu de parachutage, la zone de saut, la D.Z. ce vieux terme américain. Et si le vent est trop violent, et si la visibilité est très réduite et nous empêche de voir les premiers largués, ces deux puces au bout puis à côté de leurs parachutes de couleur orange et s’il y a des nuages bas, c’est-à-dire si le ciel est bleu au-dessus de nous mais qu’entre nous et la glace il y a une mince pellicule de brume ? Et si demain, ou après-demain, nous ne pouvons pas revenir, et si nous ne les retrouvons pas et si la météo se gâte à fond et nous maintient au sol de longs jours ? Ainsi galope l’imagination ; ainsi ma responsabilité de chef de bord, notre responsabilité à tout l’équipage, celle des chefs de l’armée de l’air qui ont décidé de faire la mission est engagée, la machine est lancée, il faut aller au bout, il faut avoir la chance.

Et pourtant tout est calme à bord, chacun sait ce qu’il a à faire; tout a été prévu, préparé. Nous avons décollé a 9 h nous serons là-bas vers 12 h 45 d’après les premiers calculs ; déjà nous avons laissé la terre d’Islande derrière nous, le cercle polaire a été franchi ; seul un message radio signalant notre position a marqué son passage. Le temps est splendide, nous voyons très loin de tous cotés. La température extérieure est de – 11° mais à l’intérieur le chauffage marche et doit maintenir une température de 4° ou 5° au-dessus de zéro. Nous pensons aux voyages à venir où la présence de fûts d’essence à bord interdira d’y avoir recours.

Mais déjà, au loin, nous devinons la côte du Groenland et apercevons sous nous, les premiers icebergs. II fait donc beau là-bas, nous pourrons naviguer a vue.

Au fur et à mesure que l’avion se rapproche, le spectacle devient grandiose. De la mer jaillissent littéralement les parois des montagnes dont la barrière s’élève devant nous jusqu’à une altitude moyenne de 2.200 mètres. Certains sommets atteignent 4.000 m et de très nombreux dépassent 3.000. Dans les vallées qui les séparent, s’écoulent les glaciers. On peut en compter jusqu’à 7 à la fois. Ils se terminent à la mer dans laquelle ils laissent crouler, de temps â autre, des bancs de glaces flottantes et d’icebergs. Ils se ramifient au gré du relief, remontant ainsi à l’assaut des cols. Là, ils rejoignent l’immense calotte glaciaire du Groenland qui leur a donné naissance. Celle-ci, au-delà de la chaîne continue de montagnes qui entoure tout le Groenland, comme le rebord d’une immense cuvette, reste figée et forme un plateau qui culmine à 3.000 mètres au centre du Groenland et ne s’abaisse pas au-dessous de 2.200 mètres, au moment où il bute sur les chaînes côtières. Ces 800 mètres de dénivellation repartis sur des centaines de kilomètres font que la surface même de l’intérieur du Groenland parait absolument plane et plate. Le spectacle est impossible à décrire. Il tire sa grandeur de l’opposition des pics et des glaciers, les premiers ciselés, brodés, dentelés, pyramides ou cônes bordés de glace par plaque, les seconds majestueux au-delà de toute mesure humaine : aucune vie n’apparaît, flore ni faune. Sans grande transition l’avion qui volait a 3.500 m au-dessus du niveau de la mer, se trouve à quelques centaines de mètres du dessus de la calotte glaciaire.

La température baisse légèrement – 15°. Quelques rares turbulences. Chacun se penche sur les cartes. Un peu d’agitation naît à l’intérieur. L’équipe DUMONT vient par roulement â l’avant pour jouir du spectacle. Les lunettes deviennent nécessaires. Nous survolons encore de nouveaux massifs montagneux enchâssés dans la glace et qui brutalement piquent droit à pic vers l’eau d’un fjord. Là est notre dernier repère.

Il fait particulièrement beau, la visibilité est pure et nette comme cela se rencontre en montagne par beau temps froid, sec. Au ciel, très haut, quelques écharpes de cirrus, c’est tout. Déjà on se sent à bord, sûr de la réussite et un optimisme relatif vient nous bercer. L’air est toujours très calme, pas de turbulence.

Le navigateur a pu contrôler une position précise sur une cartographie fidèle, calculer ses vents, rectifier l’heure d’arrivée, il donne enfin un nouveau cap, celui qui doit nous mener vers le point 71°42’N 54°49’W, situé théoriquement à 2.990 mètres d’altitude. Le radio signale qu’il n’a pu passer aucun message depuis le cercle polaire : là-bas en Islande, on doit s’inquiéter (nous apprendrons par la suite que l’alerte a été déclenchée et que l’avion américain de l’Air Sea Rescue est parti à notre recherche).

Maintenant devant nous, c’est le blanc aveuglant, sans horizon ; il faut faire des efforts pour distinguer 700 â 800 mètres plus bas les vaguelettes que le vent a faites avec la neige poudreuse et les petites congères pareilles à des dunes en miniature. Le temps passe. A 12 h 45 on distingue toujours, sous l’avion, la surface du plateau glaciaire. L’heure d’arrivée prévue est 12 h 48. Les 4 hommes sont avertis : ils se préparent au saut, aidés des largueurs. Mais au fur et â mesure que l’avion avance la surface devient difficile à déceler. Bientôt, il n’y a plus de doute, il y a de la brume au sol, des nuages bas au-dessous de nous. Les sondes radar sont mises en route. Nous laissons descendre l’avion jusqu’à 400 mètres au-dessus de la glace. La couche nuageuse sous nous est continue, elle nous empêche de voir, donc de larguer. Alors, au moment où le navigateur annonce : « Nous sommes au point » il faut répondre : « Je ne puis pas larguer ». Il y a deux solutions, attendre que la brume se lève en effectuant des figures géométriques que le navigateur restitue et qui nous permettraient de rester très près du point théorique ou revenir vers l’arrière, vers la côte de quelques kilomètres là ou nous savons trouver des conditions météo meilleures. Et Dumont, que j’appelle au téléphone intérieur s’entend dire: « Je ne puis vous larguer au point prévu. Que décidez-vous ? Attendre, revenir en arrière de quelques kilomètres ou rentrer a Keflavik ? » La réponse est nette : « Revenons en arrière de quelques kilomètres ». Ce qui est fait après que l’avion ait effectué trois figures géométriques au-dessus du point théorique. Le navigateur donne le cap de retour. Il fait -14° mais les acteurs n’ont pas froid.

Au cap retour, quelques minutes plus tard, il est possible à nouveau de voir la glace. La visibilité n’a pas l’air très bonne mais il faut agir vite avec un avion qui vole à 500 km à l’heure. Il est décidé de parachuter sans plus attendre. L’avion est alors amené au cap de largage, c’est-à-dire face au vent. Les signaux optiques commandés par le pilote chef de bord sont actionnés « Rouge » attention préparez-vous « Vert » allez-y. Il est 15 h 04.

Un siki est parti (c’est une caisse du poids d’un homme, avec son parachute). L’avion vire aussitôt et tout le monde reste accroché des yeux au petit point vert du parachute; le virage nous en met vite à 1 kilomètre et déjà on le distingue mal. Après un nouveau virage, je reviens vers le parachute. « Rouge » « Vert ». Il est 15 h 09. A la verticale du siki, on en lâche un deuxième. Ainsi nous saurons, en estimant la distance qui sépare, au sol, les points de chute des deux sikis, la force et la direction du vent, point très important pour les sauts ultérieurs. Malheureusement nous nous apercevons que la voilure du premier siki reste gonflée, sous l’effet du vent et que la caisse de 90 kg dérive sur la neige ; elle laisse un profond sillon. Donc la mesure du vent est difficile, le vent est fort, et nous avons eu les nuages bas, maintenant le vent et la visibilité médiocre ! C’est suffisant pour rendre cette première mission délicate. Et pourtant deux sikis sont déjà partis,

Dumont, informé du vent, décide « on saute ». Deuxième virage, ligne droite : virage, nous voyons mal, nous voilà prêt pour le largage crucial, celui de Dumont et de LANNURIEN, ensemble : je réoriente l’avion vers les deux sikis qui dérivent à 100 mètres l’un de l’autre. « Rouge » « Vert » Allez-y. Il est 15 h l5. Il fait – 14 ° mais personne ne s’en aperçoit. Ça y est, ils sont partis, virage ; je suis obligé de piloter sans référence au sol car l’horizon n’est pas visible, aux instruments, comme on dit dans notre jargon; nerveux, je compte sur les yeux des autres pour ne pas perdre de vue les quatre points qui doivent être par le travers gauche, et dans le téléphone de bord « Les voyez-vous ? » Pas de réponse. « Je veux que vous regardiez, tous, et parlez-moi, dites-moi que vous les voyez ou que vous ne les voyez pas mais dites-moi quelque chose ». Chacun de lever le nez et d’écarquiller les yeux. Ils ne voient pas, ils voient ; « on ne voit pas » puis « Ça y est, on les voit ». Soulagement. Virage, nous revenons vers les points. Les deux sikis dérivent, les autres sont au sol debout. Tout va donc bien. « Rouge » « Vert » GENESSEAUX et DIRAISON sautent. Il est 15 h 20. Ils sont peu expérimentés.

Arriveront-ils bien avec le vent qu’il fait ? Virage, ligne droite, encore quelques secondes de tension pour rester accroché des yeux aux petits points noirs, sous nous.

Ça va mieux. Virage, je reviens ; c’est aux colis de matériel maintenant. « Rouge ». Nous approchons des points ; ce sont maintenant les hommes, un, deux, trois, le troisième court après un parachute qui dérive gonflé par le vent et accrochés à ce parachute, ce sont bien les deux jambes du quatrième. « Vert ». Deux colis s’en vont : pourront-ils les recevoir, serons-nous assez précis, ne vont-ils pas dériver aussi ? Virage, ligne droite, virage, nous revenons nouveau. Cela va mieux à bord : moins de tension. Au sol, dérivent toujours le parachute du siki n° 1, celui du siki n° 2 et celui d’un des quatre hommes et c’est bien l’un d’eux traîné sur le dos, jambes à la dérive, après qui l’on court, sans succès, semble-t-il. Trois fois nous repassons, trois fois nous revoyons le même spectacle. Il n’est pas possible de s’empêcher de penser « Oh le malheureux »! et de penser au froid, à la neige qui doit l’aveugler, à la jambe cassée, peut-être, à l’échec de la mission.

En attendant, les colis ont l’air d’arriver. Nous les larguons de telle sorte que, une fois sur la neige, le vent les fasse dériver vers les deux personnes valides et que nous voyons dégonfler les voilures en se jetant dessus, arrêtant ainsi la dérive. Enfin, le parachute qui dérivait n’a plus l’air de traîner son fardeau. Nous pouvons compter quatre hommes debout dont un qui fait route vers ses compagnons.

Tout est donc pour le mieux. Et lorsque les largueurs annoncent « Fin de parachutage », c’est pour nous un soulagement énorme. Tout paraît bien, aucun parachute ne dérive, la dispersion des colis est faible.

Je me permets deux passages à basse altitude « pour voir », pour les missions du lendemain, ce n’est pas si difficile, il y a des repères, on voit à peu près bien la surface blanche et j’apprécie facilement mon altitude relative en rase glace. Paul Émile Victor n’était pas pilote et le Nord 2501 avec son nez en verrière intégrale permet une vision bien plus large que l’étroit champ de vision des petites glaces du cockpit pilote du Libérator B 24 de l’US Air Force, bombardier utilisé par les expéditions polaires de l’époque de Thulé à l’Ouest du Groenland. En passant à très basse altitude, près du petit camp, photo historique de Camus, les quatre nous faisant signe de la main. Tout va bien et comme nous n’avons pas encore de liaison radio, de LANNURIEN écrit sur la neige : « 0 K ». Merci c’est un réconfort pour nous. Un large sourire épanouit chacun, à bord. Nous serons de retour à Keflavik à 16 h 50; nous aurons volé pendant 7 h 55.

Ainsi, à chaque voyage, huit jours de suite, par des conditions météo diverses, sur le trajet mais meilleures sur le camp.

René Méjean 14 mars 2007

 

LE CAMP

L’avion a disparu à l’horizon, GENNESSEAUX rejoint le groupe après avoir été tiré par son parachute sur une distance de 1.800 mètres, vent de 40 km / h au moment du saut !! Le drapeau tricolore sera confectionné à la hâte pour saluer l’équipage lors du dernier passage. Le véritable est en caisse mais où ? Ils utilisent un morceau d’enveloppe de sac de couchage pour le bleu, de la gaze médicale pour le blanc et un morceau de parachute pour le rouge. Aussitôt les quatre hommes rassemblent tout le matériel parachuté. Si le vent se lève tout sera recouvert et donc perdu. Puis 3 petites tentes sont montées. Jean Dumont confie dans une de ses interviews, qu’ils resteront 3 jours sans absorber aucune nourriture solide. Jean DIRAISON me l’a confirmé. (Ils n’ont pas prévu de cellule de soutien psychologique avec eux !) Le lendemain une grande tente est montée, elle fera office de station en attendant que la station prévue soit opérationnelle. 8 parachutages vont se succéder en 8 jours. 19 tonnes sont larguées. Tous les colis sont traînés sur les célèbres manhauling sur lesquels nos Robinsons fixeront les parachutes pour profiter de l’aide du vent et les soulager. La dernière caisse larguée, sera celle de sécurité prévue pour l’avion. La caractéristique de la base, comme celle de Station Centrale ou celle de Charcot en Terre Adélie, elle est  » enneigée  » enfin enterrée. Plusieurs raisons, l’enneigement, la formation de congères mais surtout l’isolation thermique. Premier travail donc creuser et évacuer plus de 500m3. La construction de la base prendra un mois environ. Jean m’assure qu’ils n’ont pas rencontré de problème particulier. Les conditions météorologiques furent favorables.

Photo du camp : les 3 tentes

L’HIVERNAGE

Le Plan de la Base

Les parois sont constituées de panneaux  » Klegecel  » en aluminium. Comme vous pouvez le remarquer, la base est en forme de croix. Le plan parle de lui même. Une précision, les couchettes sont installées en hauteur. Résultat, un gain de place mais surtout, un plus pour le confort puisque la température est de 11° alors qu’au sol = 0°. Chaque branche individuelle est aménagée en fonction des activités du locataire. Le chauffage est assuré par un poêle à pétrole et l’énergie fournie en grande partie par une éolienne. Un petit groupe de secours sera utilisé seulement les jours de tempête quand l’éolienne est stoppée par sécurité. Un couloir de 30 mètres est aménagé de cellules pour le stockage d’un maximum de vivre et matériel. Facile, tu prends une scie genre  » égoïne « , une pelle, et tu creuses un peu dans le style des cavernes des troglodytes. La différence la dureté des parois ! Alors on ne mégotte pas avec les alvéoles. Il suffit d’empiler les boites de conserves et le couloir devient le pendant des grandes surfaces avec ses gondoles  » bio  » et réfrigérées puisque la température ambiante est de – 25°. C’est la température moyenne annuelle de ce petit coin de paradis. Ceci diminue les sorties. Les jours raccourcissent de jour en jour, les températures chutent et toutes les trois heures de LANNURIEN est contraint à une sortie. L’hiver est là. La vie s’organise et chacun vaque à ses occupations. A tour de rôle un membre est de service, c’est à dire  » corvée  » cuisine, ménage, tour de garde. Chaque jour un autre membre est astreint au puits. C’est un des gros objectifs de la mission puisque de sa réalisation vont découler un programme glaciologique durant les E G I G à venir. Seul durant toute la journée il va creuser puis évacuer le névé. Pourquoi seul me direz vous ? Et bien tout simplement que dans un trou de 2 m sur 2.5 m il est difficile d’évoluer à plus d’une personne. Cette distraction va durer TOUTE la mission puisque les derniers coups de pic seront donnés la veille du départ. Derniers coups de pic pour terminer la deuxième sphère non prévue au programme mais décidé par le Chef d’hivernage.

Jean DIRAISON expédie les résultats météo deux à trois fois par jour avec un AN GRC9. J’entrevois quelques réactions chez certains puisqu’ils l’ont utilisé durant leur service militaire. Pour les autres reportez vous par exemple sur le site :
http://home.scarlet.be/frater5ttr/equipements/an-grc-9data.html

Il monte un autre émetteur-récepteur, de 100 w celui-ci et qui va lui permettre d’entrer en contact, entre autre, avec les radioamateurs français et en particulier F3NB, M. BERTHEMES de Chelles qui va devenir un des maillons de la chaîne. Ce dernier entrait ensuite en contact avec Suzanne DUMONT, épouse de Jean DUMONT siégeant au 47 av du maréchal Fayolle. Il sera présent  » sur l’air  » (expression consacrée par les radios pour signifier qu’il est à l’écoute) tous les jours et en particulier durant le raid de préparation du retour. L’éthique radioamateur n’étant pas surfaite tout au moins à cette époque. Rappelez-vous le célèbre film  » Si Tous les Gars du Monde  » de Christian JACQUE.

Pierre GENNESSEAUX dans le couloir en fin d'hivernage . Voyez la largeur !!

QUELQUES TELEGRAMMES

Pour vous plonger dans cet hivernage, je vous retranscris quelques télégrammes reçus au bureau du 47 Av du Maréchal FAYOLLE.

Voici le premier télégramme reçu par Suzanne Dumont, qui s’empresse de l’expédier aux familles.

Paris le 26 septembre 1956

Chers Amis,

J’ai reçu hier le premier télégramme de l’Expédition Française Centre Groenland dont voici le texte :

 » SOMMES MOITIE CONSTRUCTION BARAQUE – CONDITIONS ATMOSPHERIQUES 2ème QUINZAINE SEPTEMBRE DURES _ TEMPÉRATURE. MOYENNE MOINS 32 DEGRES _ MINIMUM MOINS 43 DEGRES CHUTES DE NEIGE TRES IMPORTANTES – VENT FORT ET TOURNANT STOP _ PREVOYONS CHUTES DE NEIGE TRES IMPORTANT – VENT FORT ET TOURNANT STOP – PREVOYONS INSTALLATION ET DEBUT TRAVAUX SCIENTIFIQUES PREMIER OCTOBRE – SANTE MORAL- EXCELLENTS STOP _ AMITIES A TOUS – L’EQUIPE  »

Le programme prévu se réalise donc normalement malgré les difficultés crées par les conditions atmosphériques. A l’heure Actuelle, les liaisons télé graphiques ne sont pas encore normalement établies et je vous donnerai toutes instructions dès que j’aurai obtenu les autorisations nécessaires pour ces liaisons.

Je reste à votre disposition pour tous renseignements que vous pourrez désirez.

S. DUMONT

 

Paris, le 7 Décembre 1956.

Après un long silence (plus d’un mois) dû sans doute à de mauvaises conditions de propagation, Je reçois aujourd’hui un télégramme donnant des nouvelles de l’expédition. En voici le texte à peu près intégral, je dis bien à peu près, car j’ai dû le remanier pour qu’il devienne compréhensible.

 » ACTUELLEMENT – 46° – VENTS VIOLENTS – FREQUENTES TEMPERATURES MINI – 54°.- SOLEIL DISPARU- STATION PAREE POUR OBSERVATIONS – EFFECTUONS SERVICE METEO COMPLET POUR LA NUIT – TRANSMISSION CAP TOBIN COMME PREVUE – COMPORTEMENT CABANE SATISFAISANT MALGRE FORT ENNEIGEMENT – FAISONS CHASSE AUX INFILTRATIONS – ECLAIRAGE CONSTANT PAR EOLIENNE – CHAUFFAGE TRES SUFFISANT AVE C 12 LITRES PETROLE PAR JOUR. NOURRITURE BONNE, FAISONS UN EXCELLENT REPAS PAR JOUR- MORAL TRES BON, ATTENDONS AVEC OPTIMISME LE RETOUR DU SOLEIL. AFFECTIONS ET AMITIES TOUS’.  » REPONDRE VIA CAP TOBIN. STOP. L’EQUIPE  »

Nombreux sont ceux d’entre vous qui m’ont téléphoné depuis le dernier télégramme. Je veux les remercier ici pour l’intérêt qu’ils témoignent ainsi pour cette expédition. Je reste à l’entière disposition de tous pour tous renseignements dont ils pourraient avoir besoin.

 

Copie d’une lettre adressée à la mère de Jean DIRAISON :

28 mars 1957

Le 16 mai un Noratlas effectue deux nouveaux parachutages. La majeur partie est composée de nourriture. Les légumes sont évidemment les bienvenus.

Le 19 mai OYD (3) informe les Oms Français, en l’occurrence F8LX et F3NB (4) du départ des deux hommes et demande leur concours en leur fixant un  » QRX  » journalier (5).

Le 20 mai Jean DUMONT et Pierre GENNESSAUX quittent la station pour établir des dépôts sur le chemin de retour. Ils parcourent 125 km. Les deux hommes prennent le SCR 578 afin de rester en contact. C’est un émetteur de détresse de l’armée US et Récepteur Emerson. Ils transportent 110 kg de vivres.

SCR 578

Le 22 mai F3NB entend OYD appeler F8LX sans succès et ne peut établir le contact.

Le 24 mai les deux hommes sont bloqués à 50 km de la base par le mauvais temps. – 15°

Le 26 mai 07h30 TU OYD confirme que tout va bien.

Le 27 mai 07h45 TU OYD signale leur position, 60 km de la station. Neige profonde beaucoup de difficultés pour progresser.

Le 28 mai de OYD, conditions plus FB. – 27° TVB. (6)

Le 30 mai beau temps à 90 km de la station, repos. – 29°

Le 31 mai constitution du dépôt à 100 km de la station. – 31 ° Dumont pense avancer la date du retour vers la côte compte tenu des difficultés de progression. Le dépôt se situe par 71°42′ N et 32°03′ W. 102 kg de vivres y sont déposés.

Le 3 juin de OYD les deux hommes sont à 45 km de la station, T V B.

Les 4/5/6 juin mauvaise propagation.

Le 7 juin 07h45 TU F3NB de OYD : msg de Jean DUMONT. Sommes de retour station avant hier à 23 h TU. Vous remercie vivement de votre précieuse collaboration Espère vous remercier de vive voix dès retour en France. – 20°

 

Le dernier télégramme :

Jusqu’au dernier jour, ils ont travaillé dans le puits et terminé la deuxième sphère de 3 mètres de diamètre à 40 mètres de profondeur. La première se situant à 30 mètres. Pour information, c’est de cette deuxième sphère que nous avons  » lancé  » la sonde thermique en 1967. Sonde qui va stopper sa descente à 1000 mètres de profondeur. Cette sonde devait atteindre le substratum. En cause un petit joint torique de 3 FF !! Ils quittent la Station le 21 juin, 280 km les séparent de Cécilia Nunatak, le premier rocher émergeant de l’Ice-Cap rencontré. Ce point qui devient géodésique et d’où partent les mesures effectuées durant l’EGIG. Ils parcourent une moyenne de 20 km/jours, chaque traîneau est chargé à 125 kg.

Dans le chargement se trouve le matériel scientifique qui leur a été prêté. Ils s’arrêtent toutes les heures pour grignoter un morceau de chocolat et se désaltérer enfin boire légèrement. Car aussi paradoxal que cela puisse paraître, même s’ils évoluent sur la plus grande réserve d’eau douce après l’Antarctique, celle-ci est sous forme de glace et la transformer en eau demande beaucoup d’énergie. Le seul repas solide est pris le soir sous forme de soupe de pemmican, 950gr par homme et par jour. Ils touchent Cécilia Nunatak le 8 juillet. Il ne leur reste que 60 km à parcourir. Mais ils doivent effectuer de nombreux A.R. car ils sont sur les rochers, les éboulis dans et sur lesquels la progression est difficile. Robert GUILLARD et Michel BOUCHE en avaient eux aussi fait l’amère expérience en 1950. Plus de possibilité d’utiliser les traîneaux, ils portent 25 kg à chaque fois avec en plus les traîneaux. Ils atteignent le Fjord dans lequel les attend l’hydravion  » Hydravion Norseman CF ICX957  » Ils accusent un retard de 10 mn sur l’heure prévue. Nous dirons qu’ils sont exacts au rendez-vous tel Amundsen de retour du Pôle Sud !!

Nous sommes le 20 juillet 1957 ainsi se termine l’expédition.

Jean DUMONT effectuant un relevé

Notes :

(1) densité du névé, de 0.50 à 0.95 suivant la profondeur.
 

(2) :

Paris Match : N° 388 du 15/09/1956
Paris Match : N° 439 du 7/09/1967
(3) OYD indicatif radio attribué à l’expédition
(4) F3NB et F8LX indicatifs des radioamateurs français
(5) QRX : dans le code Q employé, par les radios, pour signifier le rendez-vous
(6) F B = Five business = traduction française bonne condition, bon travail.
QRO : dans le code Q employé pour signifier la puissance

Georges GADIOUX

 

Mes Remerciement à Jean DIRAISON radio de l’expédition et qui vient d’adhérer à l’AMAPOF et qui a eu la gentillesse de fournir ces informations. A l’Association National du Transport Aérien Militaire et à son Président HUGUES de SACY – Secrétaire général de l’ANTAM, ancien chef du service historique de l’armée de l’air. Au Capitaine Honoraire Pierre Mayet Pilote CdB qui m’a fourni les noms de l’ensemble des membres de l’équipage et mis en rapport avec le Général MEJEAN, Cdt du Noratlas. Au Général MEJEAN qui m’a fourni son rapport. Au frère de Jean DUMONT pour la cassette du film tourné de son frère. A Robert GUILLARD et à Christiane GILLET.

Jean DIRAISON, montrant l'un des traîneaux utilisés par l'expédition. (photo du 11 avril 2008)

Bibliographie

Article publié dans le numéro 75 de Géographia (décembre 1957), dédicacé par Jean Diraison en remerciement à Georges Gadioux.
Extrait du numéro 439 de Paris Match (samedi 7 septembre 1957), dédicacé par Jean Diraison en remerciement à Georges Gadioux.
Extrait du numéro 388 de Paris Match (samedi 15 septembre 1956), commenté par Jean Diraison. Sur la photo, de gauche à droite : Michel de LANNURIEN , Pierre GENNESSEAUX, Jean DUMONT et Jean DIRAISON

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