Centième anniversaire de la Conquête du Pôle Sud
(Par Georges Gadioux)
Il y a 100 ans, le 14 Décembre 1911 à 12 heures pour la première fois l’homme atteignait la latitude extrême de 90 ° SUD. Cet homme : ROALD AMUNDSEN
Il était accompagné de ses fidèles compagnons Olav BJAADLAND, Helmer HANSSEN, SVERRE HASSEL et Oscar WISTING
Certaines dates nous appellent à commémorer des faits et des personnages de notre histoire.
Aussi en cette année 2011, nous rendons hommage à un de ces hommes qui a contribué au bond énorme qu’a connu le XXe siècle dans la conquête Polaire et celui de la recherche scientifique. Un seul exemple : grâce à tous les « Polaires » nous connaissons désormais l’historique du climat de notre planète depuis 900.000 ans.
En 2009, le centenaire de la conquête Pôle Nord par Robert PEARY n’a pas suscité grand intérêt. Les attentions étant plus tournées vers les aventures médiatisées, méritoires ou non, de quelques uns et autres projets.
« A pied tout autour de la terre. A pied tout autour de la mer. Tout autour du soleil. De la lune et des étoiles. A pied à cheval en voiture » … comme l’écrira le poète Prévert.
Il n’y a pas que l’aiguille de la boussole qui est attirée par le Pôle!!. Certains ont répondu davantage au besoin de notoriété, en négligeant la véritable recherche scientifique.
Mais heureusement d’autres font malgré tout perdurer cette passion pour les régions polaires, dernier sanctuaire consacré uniquement à la recherche scientifique, en s’imposant par la qualité des travaux effectués dans des conditions climatiques toujours aussi dures et ce dans une réelle discrétion. Saluons l’équipe de l’IPEV (Institut Paul-Émile VICTOR) au grand complet et ayons une pensée émue pour nos camarades morts tragiquement en 2010 en Terre Adélie.
CONFUCIUS affirme que l’expérience passée serait une lampe placée dans le dos. Certainement, mais pour moi, le travail et le devoir de mémoire permettent de la raviver afin qu’elle puisse briller plus fort, plus haut et encore longtemps. Il faut se souvenir que de grandes choses ont été accomplies antérieurement.
Je terminerai cette introduction par une citation de notre « Patron » Paul-Émile VICTOR :
« Mes Polaires sont des gens sérieux qui ne se prennent pas au sérieux »
Si la conquête du Pôle Nord a demandé plus d’un siècle d’effort, le Pôle Sud a été « vaincu » en moins de onze ans !! Plusieurs raisons à cela, les conditions géographiques des deux calottes polaires l’expliquent clairement.
Le Pôle Nord est situé au milieu d’une banquise (glace de mer), le Pôle Sud, lui se situe, à l’intérieur d’un continent de glace culminant à plus de 3000 mètres.
La banquise Arctique, recouvre un immense océan, en dérive permanente sous l’action des vents et des courants marins. Contre ces énormes masses les navires, même le plus résistants de l’époque demeuraient impuissants. Pour atteindre le Pôle Nord à pied sur ces glaces dérivantes, les explorateurs voyaient leurs efforts frappés de stérilité. Ils s’épuisaient pour progresser, devant escalader des « hummocks », traversée des « rivières », impuissants face à la force des courants les entrainant inexorablement vers le Sud. Dans, évidemment, des conditions climatiques extrêmes.
La situation dans l’Antarctique est toute différente pour les raisons expliquées en avant. Pas de dérive de la glace. Le sol est stable et chaque pas en avant sur ce terrain demeure acquis.
Subsiste un danger en zone d’ablation, les énormes et innombrables crevasses, piège mortel pour quiconque relâche son attention. Mais aussi des conditions climatiques estivales beaucoup plus rudes, (température et vent).
En 1902 eut lieu la première tentative vers le Pôle Sud. Par la Grande Barrière, immense glacier accoté à la terre Victoria, Scott avança jusqu’au 82°15′, soit à 860 kilomètres du but. Six ans plus tard, reprenant la même voie, Shackleton s’arrête à 178 kilomètres du Pôle. Poursuivre eut été trop dangereux. Sa survie et celle de ses compagnons passait avant tout autre chose. Il ne possédait plus suffisamment de réserves de nourriture. Sans la perte d’un poney englouti dans une crevasse, qui au moment suprême les priva des vivres nécessaires, ils auraient triomphé. Ce qui lui avait fait dire en s’adressant à son épouse qui s’étonnait de ce renoncement :
« Vous ne préférez pas un vieil ours vivant plutôt qu’un beau lion mort ? »
Si la victoire de Robert PEARY a été, et est toujours controversée, à savoir qui de PEARY, de Robert COOK et même de Richard BYRD est arrivé le premier par voie terrestre ou aérienne à la latitude 90° Nord, la conquête du Pôle Sud Géographique, elle, ne peut souffrir d’aucune contestation. (*)
En effet, AMUNDSEN et ses quatre camarades ont ramené toutes les preuves nécessaires et irréfutables, appuyées par le témoignage de son « challenger » ROBERT F. SCOTT. Témoignage retrouvé dans le journal de SCOTT, sous la tente dans laquelle on découvrit son corps à quelques miles de la base. Sir ROBERT F. SCOTT n’atteignit ce point si convoité que le 15 janvier 1912. (Une célèbre photographie en atteste). SCOTT déjà très éprouvé physiquement, découvre la tente laissée par l’équipe norvégienne et à l’intérieur deux lettres, une à son attention, la seconde à remettre au Roi de Norvège pour cas où les Norvégiens ne rejoindraient pas leur navire, « Le Fram ». Pour les Anglais ce fut une terrible découverte.
ROALD AMUNDSEN naquit le 16 juillet 1872 à Tromta dans le Sud-Est de la Norvège. Issu d’une famille de marins et de pêcheurs, il suit une scolarité normale et malgré le désir de sa mère qui souhaite voir son fils devenir médecin, AMUNDSEN a déjà choisi son devenir.
Le 30 mai 1889 FRIDTJOF NANSEN est accueilli après avoir réussi la traversée du Groenland d’Est en Ouest. Pour AMUNDSEN, NANSEN va devenir son héros et il rêve de suivre son sillage. « Devenir un homme, cela tient dans son pays d’une sorte de zoomorphisme, qui convoque l’ours, l’aigle et le loup au grand rendez-vous de la force, du courage et de la ruse ». Il s’impose des exercices d’endurcissement et effectue des randonnées solitaires.
AMUNDSEN abandonne ses études et embarque à bord du « Magdalena », un phoquier où il apprend les rudiments de la vie de marin puis sur un navire anglais où il perfectionne son anglais. En 1896 il prend connaissance du projet du comte ADRIEN DE GERLACHE. Il lui rend visite à Anvers et se fait engager comme officier en second. En attendant le départ pour l’Antarctique, il prépare son examen d’officier au long cours. Il embarque sur « Le Rhône » en partance pour l’Afrique puis sur un phoquier, « Le Jason ».
Trois ans plus tard, il est recruté comme second à bord de la « Belgica », dans le cadre d’une expédition dans l’Antarctique organisée grâce à un financement belge, sous la direction de l’explorateur polaire ADRIEN DE GERLACHE DE GOMERY. Le 16 août 1897 la « Belgica » appareille, destination Punta Arenas, Ushuaïa puis les Shetland du Sud pour atteindre enfin la péninsule Antarctique. L’expédition a pour but des recherches le long des rivages de l’Antarctique mais elle faillit tourner à la catastrophe lorsque le bateau s’immobilisa sur la banquise dans les parages de l’île Pierre Ier, le chef de l’expédition manquant d’expérience sur les régions circumpolaires.
S’en suivirent treize longs mois d’insécurité et d’isolement avant que la « Belgica »ne fût enfin libérée des glaces et ne se frayât un passage jusqu’à la pleine mer. Ces mois avaient été vécus dans des conditions extrêmes. Pratiquement tout l’équipage était atteint du scorbut.
Lorsque le capitaine tomba malade à son tour, AMUNDSEN le remplaça. Il devint rapidement maître de la situation et utilisa l’équipage à chasser le phoque et le pingouin, et à fabriquer des vêtements chauds à partir de couvertures de laine. La « Belgica » se trouvait sous le commandement d’AMUNDSEN lorsqu’elle put enfin se libérer des glaces, en mars 1899. Cette expédition fut bien malgré elle la première à avoir hiverné en Antarctique.
Depuis le XVIème siècle, découvrir une route maritime vers le Pacifique et la Chine en doublant l’Amérique par le nord, était le rêve de la marine anglaise. De nombreuses expéditions parmi eurent lieu lesquelles des hommes s’illustrèrent comme, DAVIS, HUDSON, BAFFIN, FRANKLIN, MAC CLURE. Beaucoup échouèrent, mais ceux d’entre eux qui revinrent, rapportèrent des informations et une cartographie de plus en plus précise. (Pour mémoire JOHN FRANKLIN avec l’Erebus et la Terror périt avec son équipage de 140 hommes).
AMUNDSEN analysa les récits de ces expéditions et estima qu’une de leurs grandes erreurs était d’employer des vaisseaux trop importants, donc trop d’hommes. Il acheta donc un phoquier de 47 tonnes auquel il ajouta un moteur de 13 CV. La « GJÖA » fut chargée à CHRISTIANIA (nom de l’actuelle Oslo). Un équipage de six hommes dont le vétéran de l’expédition Sverdrup, une réserve pour 5 ans en vivres et en carburant et 6 chiens.
Le 16 juin 1903 l’expédition quitte Oslo, elle fait escale à Godthaab au Groenland, AMUNDSEN atteint le détroit de LANCASTER le 20 août, le 22 la baie de l’île BEECHEY. Avec l’aide de son moteur il parvient jusqu’à l’île SOMEREST et s’abrite dans une rade durant cinq jours alors que se déchaîne une tempête. Le 12 septembre 1903 il décide d’hiverner sur la côte de la Terre du Roi GUILLAUME . Ce port naturel est baptisé « Gjöa Haven » (Port de la Gjöa). Amundsen apprend des Esquimaux à conduire un traîneau à chiens. Il étudie de près leurs vêtements, leur alimentation et leur mode de vie. Il enregistra toutes ses observations dans un coin de sa prodigieuse mémoire, dans l’idée que cela pourra éventuellement lui servir au cours d’un séjour ultérieur dans les régions polaires.
Il effectue des raids en traîneaux et atteint le pôle magnétique. Les conditions climatiques obligent l’expédition à effectuer un second hivernage. La « Gjöa » quitte sa prison de glace le 13 août 1905, et le 17 août elle se trouve devant l’île Jenny. A partir de cet instant la navigation est plus aisée car Amundsen bénéficie de cartes assez fidèles. Sauf difficultés insoupçonnées qui surgiraient sur leur route, la dernière étape du voyage à travers le passage du Nord-Ouest touche à sa fin. Après trois semaines de tension et d’attente interminable, les membres de l’expédition aperçoivent un baleinier ayant pour port d’attache San Francisco.
La « Gjøa » avait accompli sa mission. Il est le premier navire à être parvenu à rejoindre le Pacifique par le passage du Nord-Ouest. Mais, peu après, il fut pris par les glaces et l’expédition s’installa pour un nouvel hivernage, près de la rivière Mackenzie. Amundsen était trop impatient d’annoncer au monde entier la nouvelle de son exploit. Alors en octobre, il partit en traîneau à chiens vers l’Alaska, accompagné d’un éclaireur américain. L’équipage parcourut 800 km d’un désert de glace jusqu’à Eagle City où se trouvait une liaison télégraphique avec le reste du monde.
C’était sa première longue équipée à traîneau, à l’assaut de montagnes de 2 700 mètres. Nos voyageurs parvinrent à EAGLE CITY le 5 décembre et informèrent le monde entier du succès de l’expédition.
Le 10 juillet 1906 la « Gjöa » repart et atteint le détroit de Behring le 30 août. Trois ans et deux jours après son départ la « Gjöa »rejoint San Francisco.
De retour en Norvège, AMUNDSEN rend visite à son maître et ami Fridtjof NANSEN. Ce dernier lui confie qu’il aimerait bien se rendre en Antarctique. AMUNDSEN lui, lui avoue qu’il souhaite tout d’abord classer les nombreux documents et envisage une expédition pour atteindre le Pôle Nord. Afin de financer cette expédition il effectue de nombreuses conférences et retrouve en 1908 NANSEN. Ce dernier lui confie : « J’ai passé l’âge des grandes expéditions, et puis l’Antarctique est très visité, SCOTT, CHARCOT, SHACKLETON, je n’ai plus besoin du « Fram » (traduction : en avant). Je vous l’offre ». Très surpris et heureux, Roald AMUNDSEN balbutie « Je ne sais comment vous remercier ».
Mais des nouvelles arrivent du Nord, Le Docteur Frédérick COOK, ami d’AMUNDSEN, prétend avoir atteint le Pôle Nord le 21 avril 1908. Puis c’est PEARY qui aurait atteint le Pôle Nord le 6 avril 1909. NANSEN tente de dissuader son ami, mais ce dernier estime qu’il reste encore beaucoup de travaux à effectuer.
Il souhaite partir au printemps 1910. Mais dans le secret le plus total il change ses plans. Le Pôle Nord est conquis, le Pôle Sud lui lance le défi. Seuls son frère et le Lt NILSEN, son second, sont informés. AMUNDSEN en parfait organisateur, dresse le calendrier de l’expédition.
Le départ a lieu en Août 1910, cap plein sud, Cap de Bonne Espérance, Sud Australie et de la Nouvelle Zélande pour atteindre la mer de Ross le 1er janvier 1911. Installation d’une base, située dans la Baie des Baleines où hiverneront une dizaine d’hommes. De cette base et durant l’été austral constitution de dépôts de vivres, si possible jusqu’à 80° Sud. Pendant ce temps le « Fram » effectuera une croisière océanographique et reviendra en octobre 1911.
Départ pour le Pôle fin octobre et retour à la base aux environs du 25 janvier 1912.
Le 9 août le « Fram » appareille avec toujours comme destination, le Nord. Seuls deux membres d’équipage sont maintenant au courant du projet de leur chef. Le 6 septembre, en rade de Funchal, AMUNDSEN dévoile à son équipe son véritable plan. Aucun des hommes consulté ne veut repartir en Norvège et c’est de Madèrequ’AMUNDSEN envoie un télégramme on ne peut plus laconique à Robert Falcon SCOTT.
« Me permets de vous prévenir que je fais route vers l’Antarctique »signé AMUNDSEN.
Scott n’est pas le seul surpris de cette annonce. Le milieu géographique l’est tout autant que certains des créanciers du Norvégien. Il n’en était pas à son coup d’essai puisque le 16 juin 1903 il leur avait faussé compagnie vers minuit sous une pluie battante car pressé de toute part, avec menace de la saisie de la « Gjöa ».
Profitant de la traversée, l’équipage dévore les livres de la bibliothèque concernant le continent antarctique et en particulier les récits de SCOTT et SHACKLETON. Au bout de deux mois ils doublent le Cap de Bonne Espérance puis naviguant dans une mer démontée ils atteignent les Îles Kerguelen. Le 14 janvier, avec un jour d’avance sur les prévisions, AMUNDSEN et ses hommes sont au mouillage dans la Baie des Baleines au pied de la grande barrière.
L’équipage est divisé en deux, un groupe terre et un groupe mer. La Grande Barrière est en vue le 11 janvier et le 14 janvier 1911 soit avec un jour d’avance sur le programme, le « Fram » arrive devant la baie des Baleines. Le 28 janvier le débarquement est terminé la cabane est totalement montée et baptisée « Framheim » (maison du Fram).Des missions de reconnaissance s’organisent. Début février, AMUNDSEN a la surprise, en rentrant d’une de ces missions, de voir un second navire au bord de la glace
Le 4 février le bateau de SCOTT, le « Terra Nova » mouille dans la baie. AMUNDSEN et son équipe accueillent l’expédition anglaise, il informe SCOTT de ses projets, et lui offre même de faire usage de ses chiens. Les Anglais refusent. AMUNDSEN est sceptique quant à la réussite de son rival qui utilise 15 poneys à la place des chiens pour tirer les traîneaux. Il écrit même dans son auto biographie « Ma Vie d’Explorateur » : « Je suis convaincu qu’il commit là une erreur fatale, et ai la grande douleur de croire que ce mode de transport fut en partie la cause de la fin tragique de cet héroïque explorateur ».
SCOTT s’est installé au cap Evans dans le détroit de McMurdo, tout à fait à l’Ouest de la Barrière de Ross, choix qui s’avèrera engendrer de nouveaux handicaps. Des conditions climatiques encore plus défavorables que celles rencontrées par AMUNDSEN ainsi qu’un itinéraire plus long et une montée sur le continent plus difficile par le célèbre glacier BEARDMORE.
AMUNDSEN fort de l’expérience de ses prédécesseurs, doit déposer et répartir en plusieurs dépôts, une tonne et demi de vivres sur la route du Pôle Sud.
Le jour du départ du « Fr, le 10 février le premier raid destiné à constituer les dépôts de vivres sur la route du pôle quitte la base.
Le 22 mars AMUNDSEN et ses compagnons ont établi tous les dépôts, le dixième par 82° Sud. Cet énorme travail s’achève le 11 avril.
Durant l’hiver austral AMUNDSEN règle avec minutie les derniers détails.
Le 23 août tout est prêt et le 8 septembre l’assaut est lancé. Le froid est intense et les températures atteignent -50 °C sous abri. Les hommes souffrent rapidement de terribles gelures, des chiens meurent de froid… Devant ces épreuves insurmontables, Amundsen abandonne et donne l’ordre de revenir à « Framheim ». C’est alors la confusion la plus totale. Sur le chemin du retour, les traîneaux se perdent de vue. AMUNDSEN file avec deux compagnons vers « Framheim » qu’ils atteignent à six heures du soir. Derrière, STUBBERUD sans nourriture ni réchaud est obligé d’attendre un autre traîneau. Une éternité pour le Norvégien qui a les pieds gelés. Finalement, BJAALAND le rejoint et prend la tête du convoi. Ils arrivent deux heures plus tard. Puis, une demi-heure après, c’est au tour de HASSEL. JOHANSEN et PESTRUD débarquent ensemble totalement épuisés à minuit et demi. Les pieds de PESTRUD sont meurtris par le froid. Le matin, AMUNDSEN demande à JOHANSEN les raisons de son retard. Ce dernier, très amer et irrité, émet des critiques très graves à son encontre, l’accusant d’avoir paniqué et d’avoir failli à ses responsabilités de chef. AMUNDSEN se tait. Il sait que certains de ses hommes partagent l’avis de JOHANSEN. C’en est fini de la belle unité des Norvégiens. Rien ne sera plus comme avant et AMUNDSEN écartera non seulement JOHANSEN de la route du Pôle mais en plus ne lui adressera la parole qu’en cas d’extrême nécessité. Il est bon de rappeler que JOHANSEN était le compagnon de NANSEN durant la fabuleuse expédition du « Fram » dans l’Océan Arctique. 1893/1896, Et surtout l’incroyable épopée qui permit de retrouver par hasard l’expédition JACKSON au « Cap Flora » le 17 juin 1896. C’est donc un homme d’une très grande expérience. Comme la majorité des participants à ce genre d’expéditions, il est d’un caractère « bien trempé ».
Le 19 octobre AMUNDSEN et ses quatre compagnons, Olav BJAADLAND, Helmer HANSSEN, SVERRE HASSEL et Oscar WISTING, se mettent en route. Les 4 traineaux pèsent près d’une tonne chacun et 54 chiens sont nécessaires pour tirer ces charges.
Le froid, les tempêtes, les crevasses entravent la progression et affectent le moral de l’équipe. La zone de crevasses passée les attelages filent à plus de 10 kilomètres par heure. Des cairns sont élevés pour baliser l’itinéraire du retour. Le dépôt du 82° est atteint le 2 novembre. Au fur et à mesure de la progression des chiens sont nécessairement abattus pour nourrir les plus résistants. Au camp surnommé » camp de la boucherie » par 85° 26′ S, il sacrifie comme prévu vingt-quatre chiens, fournissant ainsi de la viande fraîche. Les Dix-huit meilleurs lui permettront de vaincre le Pôle Sud. Douze seront seulement nécessaires pour le retour, sur un effectif de cinquante-quatre au départ.
Les cinq hommes vont être bloqués ici durant quatre jours par un très fort blizzard.
Avec un fort vent de face et un épais brouillard ils arrivent au 87° Sud. La surface est plane et ils avancent à 5,5 km par heure.
Le 6 décembre le 88° de latitude Sud est atteint, l’altitude est de 3.225 mètres. L’équipe dépasse la latitude de 88°23′, point atteint par SHACKLETON en 1909, et progresse sur un terrain totalement inconnu.
AMUNDSEN ne peut cacher son émotion, mais relance la progression. Le temps est magnifique et le 14 décembre à midi la position 89°53′ est atteinte, HANSSEN qui avançait en tête, s’efface et dit :
« A vous de passer le premier, « Commandant » ».
A trois heures de l’après-midi le 16 décembre, le Pôle Sud est atteint. Le pavillon Norvégien est planté et une tente est dressée. Ce camp est nommé Polheim, (maison au Pôle).
Afin d’être certain d’avoir atteint le Pôle l’équipe effectue un cercle de vingt kilomètres de rayon.
Le 17 décembre à midi la certitude est acquise. A l’intérieur de la tente AMUNDSEN dépose une lettre adressée au roi de Norvège et un message pour SCOTT et décide de rebrousser chemin.
La progression est rapide, le temps splendide et la température agréable (-20° !) Le 25 janvier 1912 les cinq vainqueurs du Pôle Sud sont de retour à Framheim. L’exploit est total car le calendrier est parfaitement respecté. Le « Fram »est arrivé, l’équipe de JOHANSEN est rentrée de son raid. Le 30 janvier il reprend la mer et c’est avec mélancolie que les hivernants abandonnent leur « cabane ».
AMUNDSEN et son équipe sont salués comme il se doit à leur retour en Norvège. Quelques ombres inévitables, le conflit avec JOHANSEN et surtout le sacrifice des chiens déclenche de lourdes critiques. A quoi répond AMUNDSEN lors d’une conférence :
« Les petits esprits ne pensent qu’au pain et au beurre ! »
Sa première visite est pour NANSEN auquel il confie son intention d’effectuer une expédition dans l’océan arctique. Il pense dériver durant cinq ans, prisonnier dans la banquise, mais, contrairement à Nansen, depuis les côtes américaines. Malheureusement le « Fram » demande une trop importante réparation. Ses très nombreuses conférences lui ont rapporté un million de couronnes, somme suffisante pour financer son expédition. Il fait construire un « dundee » parfaitement étudié pour ce type de navigation. Le « Maud »est mis à l’eau le 7 juin 1917.
La guerre 14-18 retarde son départ et il n’appareille que le 24 juin 1918 avec à son bord un équipage de neuf hommes. L’expédition du « Maud » fut équipée d’instruments permettant de faire des mesures océanographiques, météorologiques et sur le magnétisme terrestre. C’était de plus l’expédition dotée du meilleur équipement existant pour mener des études géophysiques et s’engager dans des recherches portant sur les régions polaires. Le 26 août il entre dans la mer de Kara.
Le 13 septembre la banquise stoppe la progression. L’expédition se trouve à mi-chemin du passage du Nord-Est. AMUNDSEN construit, à terre, des observatoires et un chenil. Il est victime d’un accident, bras cassé et épaule démise. Quelques jours plus tard il est attaqué par un ours. Au cours de l’hivernage une quarantaine d’ours sera abattue Des raids sont organisés et des relevés cartographiques effectués sur les côtes de Sibérie et de l’île de la Couronne. Mais le « Maud » reste bloqué. A l’aide d’explosifs AMUNDSEN parvient à se dégager le 12 septembre 1919. Le 23, la glace est de nouveau hostile à la progression de l’expédition. Par crainte de devoir hiverner peut-être pour plusieurs années, deux membres de l’équipage demandent à quitter le bord. Huit cents kilomètres les séparent de Dickson. AMUNDSEN les informe des difficultés mais ne s’oppose pas à leur requête. Les deux hommes ne parviendront jamais à destination. En décembre AMUNDSEN expédie trois hommes pour adresser un télégramme en Norvège. Ils atteignent Anadyr le 23 mars 1920, ils rejoignent le bord le 14 juin 1920. Le « Maud » réussit à s’échapper de son piège, longe la presqu’île de Taïmir, traverse la mer de NORDENSKJÖLD, double le détroit de la Léna et les îles de la Nouvelle-Sibérie. Le « Maud » double le détroit de Béring et mouille devant Nome en Alaska le 27 juillet 1920. Cette expédition ambitieuse, qui tentait d’arriver près du pôle Nord en se laissant dériver par le passage du Nord-Est, n’atteignit donc pas son objectif géographique. Cependant, l’intérêt des renseignements géophysiques recueillis, notamment par HARALD ULRIK SVERDRUP, météorologue et chercheur en océanographie, consacra la renommée de l’expédition du Maud. Elle fut considérée comme l’un des plus importants projets de recherche jamais réalisé dans l’Arctique. Malgré toutes les déceptions, la science s’était enrichie de nouvelles connaissances et l’honneur était sauf. Désormais AMUNDSEN a accompli le tour complet de la calotte boréale mais cette dernière expédition a un goût d’échec. |
(*) Une parenthèse : une seule certitude, le premier à avoir réellement atteint le Pôle Nord en le survolant est bien Roald AMUNDSEN, mais vous le découvrirez plus bas.
GEORGES GADIOUX
Bibliographie
ROALD AMUNDSEN : AU POLE SUD EXPEDITION DU FRAM Hachette &Cie 1913
ROALD AMUNDSEN : LE PASSAGE DU NORD-OUEST Hachette 1909
ROALD AMUNDSEN : AMUNDSEN PAR LUI-MEME ( my life as explorateur) Gallimard 1931
JAN OSTBY : ROALD AMUNDSEN COLLECTION « TRADUCTA » OFFICE DE PUBLICITE BRUXELLES 1947
JEAN MABIRE : ROALD AMUNDSEN Le plus grand des explorateurs polaires Glénat 1998
A SUIVRE…
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