Embarquement sur le Marion Dufresne
L’embarquement des passagers sur le Marion Dufresne vient de s’achever après une quatorzaine, prélude des conditions draconiennes d’accès aux district austraux préservés de la COVID-19. Ces précautions prennent tout leur sens dans le contexte austral. L’appareillage aura lieu vers 16 heures, pour une première destination : Tromelin. Ce sera une découverte pour ma part, je n’ai jamais eu jusque-là, l’occasion de m’en approcher. Finalement, ça a du bon d’être le représentant de l’Amaepf.
Le confinement au soleil
Pour maintenir une situation privilégiée, les territoires n’ont connu à ce jour aucun cas de COVID-19, l’administration des Terres australes et antarctiques françaises a fixé des conditions d’accès draconiennes aux districts dans le contexte de l’épidémie (Arrêté n° 2021-75 du 2 septembre 2021).
Outre un schéma vaccinal complet, une période d’isolement préalable à l’embarquement à destination de la terre promise est imposée au cours de laquelle deux tests PCR sont effectués. Mais la surveillance ne s’arrête pas là, lors de l’embarquement j’ai été soumis à une prise de température, le port du masque sera obligatoire durant les cinq premiers jours de mer .
Les places à table lors du déjeuner et du diner demeureront fixes pendant la même période. Au loto de la restauration, il s’agira de tirer les numéros gagnants pour espérer gagner des affinités sustentatrices Et avant de fouler le premier district, les personnels seront soumis à un ultime test nasopharyngé.
La sécurité sanitaire est à ce prix. Elle a toujours été une préoccupation majeure de l’administration des TAAF en raison de l’isolement des districts austraux, des difficultés d’accès et des temps de latence logistiques.
Le confinement strict avait pour objectif d’éviter les interactions sociales susceptibles de favoriser une contamination. Les sorties hors de la chambre ou de l’enceinte de l’hôtel étaient interdites. De même, le fait de croiser une autre personne est proscrit, car si elle s’avérait positive, la malencontreuse rencontre aurait transformé l’imprudent, en cas contact et provoqué l’annulation de sa mission. Autant dire qu’il était préférable de fuir en courant dès que l’ombre d’un être humain s’approchait.
En me rendant à la promenade quotidienne, j’ai du refuser de partager l’ascenseur plusieurs fois, toujours à la grande surprise des occupants, des touristes en villégiature pas au courant du fait que certaines chambres étaient occupées par les futurs passagers du Marion Dufresne. Cette promenade individuelle durait 30 minutes et se déroulait dans le parking de l’hôtel au sous-sol réservé aux confinés.
Une façon de se dégourdir les jambes selon un planning d’occupation instauré par le service médical des TAAF.
Le personnel de l’hôtel « Le Terre Sainte » a été aux petits soins avec les confinés. Les repas, copieux, livrés devant la porte ont réveillé un palais métropolitain. Le pimenté accompagne toujours de la cuisine réunionnaise. Le temps rythmé par les routines, les repas, les courriels, la séance de sport sur la rampe d’accès au parking souterrain de l’hôtel s’est écoulé à grande vitesse.
En définitive, ce confinement m’aura permis de bons moments de lecture, quelques siestes sur le transat du balcon de ma chambre avec vue sur le port de Saint-Pierre et d’inévitables séances de bronzette quand le soleil dardait dru.
Durant cette période, un malicieux écouvillon est venu eux fois chatouiller mes narines afin de s’assurer de ma virginité virale. Le verdict du dernier m’a libéré d’un embastillement consenti. C’est un masque non pas de fer, mais bien de papier, qui continuera à barrer les visages, les cinq premiers jours de navigation. La socialisation demeurant encadrée.
Cela semble excessif voire de la paranoïa ? Ce serait méconnaître la réalité médicale des terres australes. Une épidémie dans les districts ou sur le Marion Dufresne pourrait tourner au drame.
En avant toute
Ce matin, la montée de la passerelle a convoqué les souvenirs. C’est la gorge un peu serrée, que j’ai pris mes quartiers. Un début d’émotion que j’imagine ont ressenti mes prédécesseurs. L’intensité de ces sensations risque d’augmenter à mesure que le voyage va débuter.
L’installation en cabine a été suivie du tour du navire pour me refamiliariser avec les lieux.
Dix ans après ma mémoire spatiale s’embrouillait. Je ne suis senti perdu les premières minutes. Progressivement, les lieux de vie sont apparus. J’ai retrouvé la salle de conférence, le bureau de l’OPEA, le restaurant, le bar, la salle de sport, la bibliothèque, la passerelle…
L’appareillage est prévu à la fin de la journée. D’ici là l’inévitable réunion sécurité en guise de préambule s’est tenue à 14 heures. Elle ne tarda pas à être suivie quelques minutes plus tard d’un premier exercice pratique.
La sirène a retentit et nous a contraint à rejoindre nos zones d’abandon respectives avec nos combinaisons de survie. L’hélicoptère d’HELILAGON n’est pas encore à bord. Traditionnellement, il apponte quelques minutes avant que le Marion Dufresne lève l’ancre en arrivant par la mer. Le survol du Port est interdit.