Crozet : une OP4 express
Arrivée à Crozet
Crozet en vue ! Après 5 jours de navigation en plein océan, le passage des 40e Rugissants qui se traduit depuis par un équilibre plus instable, des nuits à monter, descendre, rouler à droite, rouler à gauche dans le lit de la cabine, nous apercevons la terre ferme.
Dans la fraicheur matinale, un vent robuste lève progressivement la brume qui enveloppe l’île de la possession (150 km2), composante principale de l’archipel Crozet.
La magie australe opère à nouveau, les albatros survolent le bateau, les manchots l’entourent, les colonies de Pointe Basse le voient s’immobiliser, elles se prêtent à l’introspection des jumelles et à l’indiscrétion des appareils photo, la beauté de cette nature unique fait oublier le froid austral qui mord le visage.
Nous arrivons en face la base Alfred Faure à 13 h, le temps de déjeuner à l’excellent restaurant du Marion Dufresne, les personnels des TAAF et de l’IPEV s’apprêtent, le ravitaillement et la relève se préparent. Les opérations ne vont pas tarder à débuter.
L’après-midi les équipes montantes, les permanents du siège, la logistique IPEV celle de la maintenance Méteo France et d’autres missions techniques sont prioritaires. 9 personnes dorment le soir sur une base très peuplée qui ne peut aller au-delà en matière d’hébergement.
La descente à terre est prévue le lendemain pour le représentant de l’AMAEPF lors des toutes premières rotations de l’hélicoptère.
Crozet à l’horizon
Un soleil radieux illumine ce samedi 11 décembre, une météo favorable me dis-je, car lors de mon hivernage, le mauvais temps ne m’avait pas permis d’apprécier Crozet.
Une purée de pois entourait la base et je me souviens de ne pas avoir vu grand-chose aux alentours.
Cette euphorie matinale est de courte durée. L’OPEA diffuse un message général lors du petit déjeuner à 7 h qui bouleverse le planning et les opérations. Le mauvais temps arrive dans la soirée et persistera dimanche, la vitesse du vent attendu empêchera toute rotation aérienne ou maritime.
Le ravitaillement s’accélère, tous les passages descendent à terre pour la journée, mais tous rembarqueront le soir pour que le Marion Dufresne puisse quitter Crozet avant le grain. Les opérations s’accélèrent, la manche se déploie en début d’après-midi, OP4-2021 à Crozet aura duré 1 jour et demi.
Sur la Base Alfred Faure
Malgré tout, j’ai eu enfin le loisir de voir l’île de l’Est, invisible lors de mon hivernage. Elle est classée en réserve absolue et plus personne ne s’y rend. Seuls l’un ou l’autre administrateur la survolent de temps à autre.
Tous les déplacements hors base doivent se faire accompagner par un agent de la réserve naturelle après être passé par la biosécurité. Premier nettoyage de semelle du jour, puis nous partons vers le Branca. De cette vue surplombante, en slalomant entre les mousses vertes, je découvre des paysages de Crozet qui m’étaient inconnus, ce qui me remplit de joie.
Ce voyage n’est une simple redite, je découvre, après Tromelin, c’est Crozet qui offre à ma vue une partie de sa magie.
Nous redescendons vers Bollard, passons à nouveau vers la biosécurité : deuxième lavage de semelle, pour aller voir cette fois les albatros sur nids. Saisissant de beauté comme toujours, cette espèce dont j’ai fait les héros de mon roman Le cadavre des Kerguelen ne cesse de m’émerveiller… l’usure du temps n’affecte pas l’impression qu’elle produit à chaque fois que je la côtoie.
Nous remontons à la base pour déjeuner et j’en profite pour faire le tour du propriétaire, après bien sûr le passage en biosécurité : 3e nettoyage de semelles du matin…
Elle n’a pas trop changé. Je passe par le hall appro, le garage, la centrale, le chaud-froid, le BCR et l’hôpital, afin de rafraîchir la mémoire des membres de l’association, enfin pour ceux qui ont hiverné au 21e siècle.
Les chambres sont telles qu’elles étaient lorsque j’ai dormi à Crozet en 2008.
La baie du marin
Nous déjeunons à 75 au restaurant et prenons le café en vie commune, avant de descendre vers la Baie du Marin non sans être allés laver les semelles de nos chaussures une nouvelle fois
C’est une explosion de couleurs chatoyantes, de jabots étincelants, de cris gutturaux. Je ne me lasserai jamais de ce spectacle unique. La manchottière et ses colocataires, les éléphants de mer tutoient le sublime, sous un soleil toujours présent.
Pour le plus grand plaisir des photographes.
Nous restons des heures devant cette représentation de la nature, ses infimes rebondissements qui méritent chaque fois que l’on fige l’instant.
La voie de l’OPEA grésille dans les radios VHF et nous comprenons que les cuves de gazole sont pleines et que l’heure du départ approche.
D’un pas vif, nous serpentons vers la base. La noria du retour est prévue pour 16 h 45.