LES OUBLIÉS DE L’ÎLE SAINT PAUL, des Crozet et des Kerguelen.
LES OUBLIÉS DE L’ÎLE SAINT PAUL, des Crozet et des Kerguelen.
Prix : 5,00€
Description
Alors qu’il devient difficile d’acquérir un livre neuf à moins de cent francs, la collection Récits de mer permet de s’en procurer pour trente francs. À ce prix, il s’agit de rééditions en format de poche. Si l’initiative est intéressante, pour comprimer les coûts faut-il pour autant sacrifier toutes corrections d’une édition à une autre ?
La nouvelle édition d’Aventures aux Kerguelen est la copie conforme de l’édition de 1991 (Éditions Maritimes et d’Outre-Mer, coll. Long cours, ISBN 2-7373-0722-8). Les seuls changements affectent la page 248 : crédits photographiques, mention d’imprimeur, etc… Le clichage de la première édition française fait que l’on retrouve les mêmes erreurs dans la réédition, certaines dues à la saisie, d’autres vraisemblablement à l’auteur ; pour s’en assurer il faudrait confronter ce texte à celui de 15.000 miles in a ketch (Éditions Nelson). Les coquilles concernent essentiellement des noms de personnes et des toponymes : Croy pour Croÿ (p. 82), cap François pour cap Français (p. 90, encore que c’est la première orthographe qui figure dans la relation de Kerguelen, la seconde sur les cartes de l’I.G.N. ainsi que dans l’ouvrage Toponymie des Terres Australes), Charmner pour Channer (p. 185), Mayo pour Mayes (p. 215), Boissière pour Bossière (p. 230 et 210). Lors de ses deux expéditions dans les mers australes Kerguelen n’était pas lieutenant (p. 78 et 79) mais lieutenant de vaisseau à la première, capitaine de vaisseau à la seconde. Enfin, pour information, ayant acquis « aux puces » un certain nombre de plaques photographiques anciennes, bien renseignées, nous pouvons légender avec précision la photo reproduite en haut de la page 236 : Le J.B. Charcot est mouillé dans le Bassin de la Gazelle, après la forte chute de neige du 10 juillet 1908.
Si l’ouvrage précédent donne satisfaction, depuis sa première sortie des presses il n’en est pas de même pour Les oubliés de l’île Saint Paul (1982, Ouest-France, ISBN 2-85882-463-0). Depuis la seconde édition (1993, Éditions Ouest-France) le titre originel a heureusement été complété pour devenir Les oubliés de l’île Saint-Paul, des Crozet et des Kerguelen. Il y a pourtant eu plusieurs « remaniements » de la maquette : nombre de pages passé successivement de 216 à 176 puis à 160 pour l’édition d’aujourd’hui – lavis et dessins supprimés – photos regroupées en un cahier central avant de disparaître complètement – Annexes diverses éliminées.
Les mêmes bévues et approximations persistent dans les quatre tirages successifs. N’ayant manifestement jamais mis les pieds sur le terrain, au détriment de la vérité historique ou de la précision de l’information, Daniel Floch semble s’être laissé emporter par sa plume. Si les faits relatés peuvent prendre parfois un caractère épique ils ne doivent pour autant devenir romanesques ou pis romancés. Où a-t-il été cherché la boue sulfureuse (p.18) et les « émergences » (?) d’agates de Saint-Paul (p. 27) ? Les poules d’eau de couleur mauve (p. 22, mauvaise interprétation d’un ancien nom vernaculaire), les sources formant des jets d’eau (p. 42), les œufs de pingouins verdâtres (p. 76) ? La croix de basalte qui n’est que de ciment, le bruit des troupeaux de morues qui se déplacent en surface (p. 124)? Les langoustes portent-elles donc des écailles et non une carapace (p. 19)? Pour parler de la chair très goûtée du tazard il ne faut avoir jamais vu les nombreux vers parasites qui la gâtent (p. 20). Comment pouvait-on abattre quotidiennement 400 mâles de manchots pour appâter alors que la détermination du sexe de ces oiseaux ne peut guère se faire que par examen du cloaque (p. 37). En 1835, il y a longtemps que Saint-Paul n’était plus une île inconnue (p. 46). En quoi la clameur d’une colonie de manchots est-elle un mélange d’hostilité et de défi (p. 115) ? Les baleiniers anglo-saxons n’ont-ils pas écumé ces mers plutôt que les trois-mâts venus du Havre et de Nantes (p. 140) ? . À Kerguelen, l’auteur confond manifestement Port Couvreux avec l’anse Betsy (p. 141). Au lieu d’être minces et très longs, les os des membres antérieurs des manchots sont plats et courts (p. 148). Les noms propres ne sont pas non plus épargnés : Guerlache pour Gerlache (p. 99), Barenchois pour Barachois (p. 125), Ducan pour Duncan (p. 152). Le navire des frères Rallier du Baty s’appelait J.B. Charcot et non pas Jean-Charcot , et, en 1913, seul Raymond repartit à bord de la Curieuse (p. 142). Faux aussi d’écrire que pour l’observation du passage de Vénus sur le Soleil quatre stations nous sont offertes. L’île Campbell, Nagasaki, Pékin et l’île Saint-Paul. Des pays étrangers ont déjà retenu les trois premières. C’est donc l’île saint Paul que nous choisirons (p. 128). En effet, pour les observations du 9 décembre 1874, la France organisa six missions : Nouméa, Saïgon, Yokohama, Saint-Paul, Campbell et Pékin, les chefs de mission respectifs étant André, Héraud, Janssen, Mouchez, Bouquet de la Grye et Fleuriais ; à Kerguelen, le nom des deux derniers n’a-t-il pas été repris dans des toponymes ?
Arrêtons là cette trop longue énumération. Au sein de notre association il ne manque pourtant pas de personnes capables d’effectuer les corrections qui s’imposaient, encore aurait-il fallu que celles-ci soient souhaitées par Daniel Floch et son éditeur, lesquels se sont donnés bonne conscience en citant le concours apporté aux trois rééditions par les T.A.A.F. et l’A.M.A.P.O.F. On aimerait savoir lequel. Le plus regrettable n’est pourtant pas là. Si le ton constamment misérabiliste et le parti pris du journaliste s’acharnant sur les frères Bossière sont affligeants, le plus consternant n’est-il pas le succès indéniable de ce livre auprès de lecteurs démunis des connaissances leur permettant de prendre du recul ? Pour eux, à quand une adaptation pour la télévision ? Gageons que cette dernière ferait pleurer dans les chaumières.
INFORMATIONS COMPLÉMENTAIRES
Daniel Floch.
Mars 2000, Éditions Maritimes et d’Outre-Mer (Édilarge-Éditions Ouest-France), coll.
Récits de mer, broché, 11×18 cm, 2 cartes, 160 pages.
ISBN 2-7373-2644-3.