AU MIROIR DES BÊTES. Pensée sauvage et faune des Terres australes
AU MIROIR DES BÊTES. Pensée sauvage et faune des Terres australes
Prix : 14,00€
Description
Alain Baquier a su faire fructifier sa campagne d’été à la Possession (novembre 2001 – février 2002) : réunir les matériaux d’une thèse d’ethnologie, la rédiger, la soutenir, écrire un livre (la Revue n° 78, pp. 53-54), deux articles annexes et cet opuscule. Le style de celui-ci est conforme à l’ouvrage précédent et ne saurait surprendre le lecteur désormais averti.
La première partie (pages 15 à 60) n’est que du bonheur. Fort intéressante, elle traite du bestiaire historique des TAAF. On apprend ou redécouvre ainsi, en appelant Buffon à la rescousse, l’origine souvent anglo-saxonne des noms donnés, et des surnoms que bien des « vétérans » ignorent. Le manchot royal répond au sobriquet de ouin-ouin, son poussin de pioupiou, de kiwi ou de Frankenstein ; l’éléphant de mer à celui de Joseph ou de Popol tandis que l’ado est qualifié de bonbon, une délicate confiserie réservée aux dents affamées des orques. Le pétrel géant est Nelly ou Stinker aux Amériques et Krakoukas chez nous. Cette richesse typologique est probablement l’héritage des escouades de biologistes et agents de la Réserve omniprésents depuis bientôt un demi-siècle, elle s’inscrit plus simplement dans le riche lexique évolutif du « parler taafien ». Par contre Baquier utilise encore le terme de rookerie, alors qu’il conviendrait de lui substituer en bon français, celui de manchotière ! Claude Lévi-Strauss et accessoirement Bergson sont fort opportunément appelés en renfort pour expliquer mimétisme et anthropomorphisme, sans que nous soyons convaincus par la contradiction systémique entre le hideux et monstrueux pacha et sa gracile femelle… mais tout cela est aéré de plaisantes respirations graphiques du Bib Olivier Feuillet.
La seconde partie (pages 61 à 88) est du Baquier pur jus, obscur et discutable, plaquage d’une dissertation académique et confuse dans laquelle émergent au gré de la plume libérée, bouc-émissaire et souffre-douleur, la Genèse, l’Homme et Dieu à son image (à moins que ce ne soit l’inverse). Dans cet amalgame elliptique de notions contradictoires à assimiler, je me suis perdu, bien que, affirme l’auteur « tout se tient et tout se lie ». J’ai retenu au passage que notre ethnologue tacle Rallier du Baty et Aubert de la Rüe pour quelques propos excessifs de jeunesse, c’est faire fi des conditions dans lesquelles ces pionniers travaillèrent, bien éloignées de l’actuel confortable cocon des campagnes estivales. En démonstration de théories peu convaincantes, Baquier retrace complaisamment l’acte connu de pur vandalisme, perpétré en 1962, très vraisemblablement par des pêcheurs japonais dans les baraquements de la baie du Navire.
Une imbécillité sous couvert d’impunité qui ne peut se confondre avec une violence gratuite. Au fait, après des propos génériques de haute volée, pourquoi l’auteur s’est-il abstenu de présenter son opinion éthique et philosophique concernant l’extermination récente, officielle et programmée d’espèces introduites sélectionnées ? Il aurait été lu avec attention. Les six dernières pages de dessins signées du Bib sont apaisantes, mais ne développent tout leur sel qu’auprès des initiés concernés, aujourd’hui des « quadras » bien installés.
Jacques Nougier
Ce petit ouvrage est l’œuvre d’Alain Baquier, ethnologue qui a participé à une campagne d’été sur l’île de la Possession à Crozet dans le cadre d’une étude participative concernant la microsociété des membres des hivernages des 38e et 39e missions.
Ce petit livre dépeint avec humour certains traits marquants de ce petit monde observés par l’œil volontiers moqueur de l’auteur. Il aborde certains sujets originaux de façon sérieuse et documentée. Le regard de l’ethnologue sur Crozet dépeint ces lieux et leurs occupants à travers un prisme déformant qui cependant suscite réflexion et intérêt.
Il nous propose, citations de naturalistes anciens et actuels à l’appui, une analyse cocasse de la relation entre les humains anthropocentriques et les espèces endémiques des terres australes et en particulier les manchots et éléphants de mer. À l’occasion d’une description imagée de chaque animal et de son comportement, il explore les raisons du choix de leurs diverses dénominations par les hommes qui les côtoient pendant leur résidence d’une année dans les îles. Il montre également la grande influence des animaux sur la vie sociale des hivernants. La réflexion de l’anthropologue va ensuite plus loin à travers une intéressante dissertation sur le sujet de l’anthropomorphisme et du mimétisme. Elle nous entraîne même, de manière hardie, sur le terrain de la « création » et du comportement humain vis-à-vis de la planète. Chacun appréciera…
On regrettera, malgré tout, quelques petites inexactitudes que l’on peut pardonner à un visiteur passé un peu rapidement dans le monde des TAAF et il est dommage qu’au fil de l’ouvrage il utilise de plus en plus un jargon d’universitaire spécialiste qui nuit à la lecture par un profane. Le texte est délicieusement servi par l’humour des illustrations d’Olivier Feuillet qui sentent bon le vécu de l’hivernant.
Claude Bachelard
INFORMATIONS COMPLÉMENTAIRES
Par Alain Baquier
dessins d’Olivier Feuillet – Éditions Petra – collection Méandre – mai 2017 – Couverture cartonnée, illustrée – 100 pages – format 14 x 22 cm
ISBN 978-2-84743-179-7