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Haraker N°4 - Décembre - Janvier 1968

Carnet d'un pilote sur le régulier PAF ... Ratmanoff

Ratmanoff, ce haut lieu de pèlerinage pour les éléphants de mer, de Septembre à Novembre, l'est également pour les Paffiens qui, en fin de mission, éprouvent le besoin, sous prétexte de faire du film ou de la photo, d'aller se remémorer, le long de la plage grouillante d'activité, ce qu'on appelle "la vie". Après un an de claustration cela se comprend aisément.

La 18ème mission se devait de ne pas omettre ces expéditions, et les autorités n'ont pas failli à leur devoir. Aussi, sur une belle affiche, réalisée par un membre de la mission donnant l'impression d'avoir fait les Beaux Arts, chacun devait choisir l'une ou l'autre de ces balades en fonction de l'urgence des travaux dans les labos scientifiques et autres. Il y en avait pour tous les goûts.

La première sortie était réservée à une élite dite sérieuse de la mission, aimant les enfants à leur tout premier âge. Notre Disker a emprunté le premier Wagon. Un seul regret, l'absence du "Toubib". Il aurait pu juger, à l'occasion d'une mise bas, du coup de bec expert d'un skua ou d'un pétrel géant remplaçant avec adresse n'importe quelle sage femme ou accoucheur à la main si douce soit-elle !

Donc, par un matin ensoleillé, nous avons pris la piste (des crêtes d'abord, de la plage ensuite) non sans avoir consulté le bouquin des marées (très important). "Les camions, c'est pas ça qu'il nous faut." (Air connu).

Le voyage "aller" a été fait avec une facilité déconcertante au dire des uns, heureusement peu nombreux, qui n'ont pas su apprécier; ils sont pardonnés.

En ce qui concerne le séjour, rien de spécial à signaler. Tout était organisé, planifié par un vrai chef en la personne de notre vénéré "grand couteau". La rockerie de manchots royaux s'est trouvée brutalement augmentée de quelques éléments, et tout le monde a semblé faire bon ménage.

Retour sans histoire, avec arrêt fixe au Lac des Calcédoines, sorte de pierre très rare, dit-on, qui se ramasse à la pelle (à condition d'en avoir une !). A mon retour en métropole, je vais essayer d'en faire une allée de jardin, ou peut être, dans 1e fond du bassin, les poissons rouges apprécieront-ils.

Arrivés à P.A.F. nous étions bronzés, mais certainement pas à cause du soleil qui n'était pas du voyage.

La deuxième expédition était réservée aux vicieux. La période des mises bas étant presque terminée, celle des amours battait son plein (si j'ose m'exprimer ainsi... ). Les harems étant formés, les pachas se bagarraient, s'entretuaient. Chez eux, pas question d'idéologie, ils savent pourquoi ils se battent.

J'ai eu tout loisir de me rendre compte à quel point les "tourmentés du bas ventre" étaient extasiés. Couchés sur le sable une main dans la poche, l'autre maintenant la tête à hauteur convenable pour ne rien perdre du spectacle, ils fixaient d'un regard libidineux monsieur et madame éléphant unis pour obéir aux lois que la Nature impose en cette saison printanière.

Au retour, à hauteur du "lac aux pierres précieuses", nous avons croisé le chef des S.T., le directeur des T.P., le chef des engins, et un radio de Toulouse ou de Grenoble (je ne sais plus). La nuit précédente, et avec beaucoup de courage, ils n'avaient pas hésité à planter la guitoune au beau Milieu d'un Harem ! Chapeau ! Il faut le faire. On peut aimer les bêtes, mais quand même... Bagdad, c'est loin ...

Le troisième voyage a été, par son temps serein et pour plusieurs autres raisons, le plus agréable. Tout d'abord, les touristes on pu apprécier la "rougaille" de crabe préparée par un maître queux de la cuisine créole. Le crabe, cette denrée rare, nous avait été généreusement distribuée par notre sympathique Intendant. Nous avons également trinqué en l'honneur du petit Michel Moulaert dont c'était la fête. Un grand merci de tous.

Et puis nous avons eu un moment d'émotion; le scientifique sympa qu'est notre géant du GENER, sa toilette terminée, nous signale qu'il a perdu sa montre. Après une heure de recherche dans la souille il revient au campement, tout penaud, la mine attristée. Sa montre était restée solidement fixée à son poignet.

De ces trois voyages, malgré les conditions de transport et de vie difficiles, tous les estivants étaient unanimes pour claironner que ça valait le coup... (d’œil, bien sûr). Évidemment, le retour était plutôt sombre, chacun, pensant au pacha mordillant le cou de sa compagne, pouvait se dire : pourquoi pas moi ? Nous n'avons, non sans mal, oublié personne; les plus "obstinés" se refusant à quitter ces lieux évocateurs.

Une consolation. Le Galliéni a mis le cap sur P.A.F., que dis-je, il a passé LE CAP, et tous les rêves deviendront très bientôt réalités. Comme il est dit à chaque mission à la même époque : " Après les éléphants de mer... les femmes... " . Pour ceux qui n'ont pas le plaisir de faire la Campagne d'été, bien entendu!


Robert Pétinot

L'Adjudant Chef Robert Pétinot est le rédacteur de cet article. Il est le responsable du garage et du bon fonctionnement de la flotte de véhicules qui se trouve sur l'île. C'est une figure de la mission, qui a participé précédemment aux missions de 1962 (la 12ème) et en 1964.

L'Adjudant Chef Robert Pétinot - patron du garage


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