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Haraker N°3 - Août Septembre 1968

Il est enfin là ...

Juste cinq minutes pour bâcler l'article, que j'écris dans chaque numéro de ce journal, car maintenant, dès que j'ai un peu de temps libre, je file au foyer !... Vous parlez ! ... C'est tellement chouette : décor, ambiance, musique, boissons fraîches.

Bien sûr, depuis la Mid-Winter on a eu quelques fêtes sympathiques: le quatorze Juillet, le quinze Août, Bazeilles, mais le gros œuvre, ce qu'on attendait le plus, c'était quand même le foyer. Il y eut un peu de retard sur les prévisions, on a copieusement discuté avant d'en arriver là, mais c'est qu'il y avait beaucoup de travail !...

Le foyer - Photo Jean Claude Boitel

Le bar réalisé par Édouard Révérend et Marc Djouadou

D'abord les menuisiers, qui ont fait un beau bar avec du bois verni derrière et au dessus; ça, le bois verni, moi je dis que c'est bien... De la classe, de la distinction, on se sent un autre homme au milieu du bois verni. Aussi, quand je vais au foyer, j'ai un peu honte d'y entrer avec mes grosses bottes pleines de terre. Et puis, vous avez vu l'éclairage ! Alors là, bravo les électriciens, ils ont bien travaillé: lumière directe et forte pour les joueurs de l'arrière salle, et dans le bar quand on tape un carton, lumière crue pour les violents, lumière tamisée pour les sentimentaux. Ensuite il y a eu le coup de peinture; Morel s'arrachait les cheveux : y en a qui préféraient cette couleur-ci plutôt que celle là, qui auraient aimé que ça se fasse en rose pâle, d'autres qui disaient que le rose pâle aurait été mieux s'il avait été plus foncé, certains, plus catégoriques encore, affirmaient que le rose pâle c'était bien, mais que rien ne valait le rouge très clair; enfin y en avait quatre-vingt six, qui n'étaient pas d'accord.

Et après on a fait appel aux bonnes volontés. Ce sont les amateurs qui sont venus donner un coup de main. On a peinturluré l'arrière salle, rafistolé le baby-foot et le ping-pong, accroché les tableaux des ancêtres, suspendu un boute autour de la salle de bar, nettoyé, frotté, gratté l es dernières traces de peinture. Pendant ce temps-là, les artistes forgeaient des tabourets, une lampe de bar, ou remettaient en état un vieil aquarium qui pissait de partout : ça, c'est beau des poissons qui nagent dans un aquarium bien aménagé, et moi j'aime les voir évoluer calmement dans l'eau limpide.

Bien sûr, ça n'est pas encore tout à fait terminé; on a déjà inauguré au jour J avec des garçons sur leur trente et un, en veste blanche et galons rouges, mais ça manque encore de verdure, de quelques détails, d'un peu de décoration. On peut encore améliorer, parfaire, mais quand même, tel que c'est, c'est bien. Et puis on est tranquille ici, on est chez soi; ce sont de souriants barmen qui sont les patrons : "Eh ! s'il vous plait, trois bières et un papier pour remplir le bon !" Et chaque soir, quand on y entre, c'est propre, parce qu'y en a quatre qui y vont chaque après-midi durant sept jours de la semaine et qui en bavent pour que ce soit nickel. Alors moi, j'suis content; chaque fois que je peux, je m'y dirige en sifflotant et en donnant des coups de pieds dans les godons, une chanson aux lèvres:

"Tous les soirs après l'turbin...."
"L'ouvrier kerguelénien"
"Va au foyer pour s'défouler....pour s'défouler ."

Photo Jean Paul Zimmermann

Les barmans
Jean Paul Zimmerman et Jacques Bulle

Photo Jean Paul Zimmermann

Les barmans
Robert Pétinot

Les Américains, les Russes y envoient des fusées dans la 1une, y font des trucs et des machins, d'accord... Mais les Français, eux, y aménagent un bar aux frontières de l'Antarctique !"...Faut le faire quand même.

Qu'est-ce qu'on va pouvoir faire comme choses là-dedans! Je m'y vois déjà : des concours de cartes, de baby-foot, etc... Et puis bientôt, y aura le Père Cent. Le Père Cent, c'est comme qui dirait la fin de la captivité, avec la grande fête de la bière. C'est pas que je sois nationaliste, au contraire, et pour la grande fête de la bière je sens que je vais me déguiser en Allemand avec culotte courte tyrolienne, plume au chapeau. Bière à gogo, musique de cuivres, prosit, "Rapapoum, papoum, papoum...." J'espère qu'y en aura beaucoup qui seront comme moi ! On rigolera....

Et puis faut pas oublier, maintenant qu'on connaît les dates de rotation du Galliéni, on a deux fêtes de plus à passer ensemble, et elles sont de taille : Noël et le Jour de l'An, à passer ensemble loin de chez soi. Après ça, adieu éléphants de mer, manchots, pluies, vents, on regagne nos pénates. Alors faudrait que ces deux dernières fêtes soient bien préparées et réussies, pour qu'on garde un bon souvenir du point final.

J'arrête là mes écritures parce qu'y a les copains qui m'invitent avec eux au bar. "Tu viens prendre un Perrier-Menthe?....". Parce que je suis pas comme d'aucuns, j'absorbe jamais d'alcool ....


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