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Le Laboratoire du RACEA

Gérard Binot devant son labo en début de mission pendant le débarquement

ÉTUDES SUR LE THORON ET LE RADON

On trouve en suspension dans l'atmosphère des aérosols radioactifs provenant principalement de deux origines différentes :

  1. naturelle : produits de désintégration du radon et du thoron exhalés par les sols émergés, ou produits de désintégration d'éléments radiogéniques, c'est-à-dire apportés ou créés par le rayonnement cosmique.
  2. artificielle : produits de fission des explosions nucléaires.

Très schématiquement, les aérosols radioactifs naturels sont un traceur des mouvements de la très basse atmosphère et, par suite de leurs périodes radioactives, seuls les descendants du radon peuvent se trouver loin de leur source. Les aérosols radioactifs artificiels, généralement injectés dans la stratosphère, servent de traceur aux phénomènes d'injection d'air stratosphérique dans la basse atmosphère et ces dernières, se produisant aux latitudes moyennes, dans des zones étroitement délimitées. Finalement ils permettent de mesurer les vitesses de transfert méridien de l'atmosphère.

A l'intérieur du labo

Dans cette optique, au cours des premières années, les mesures les plus importantes ont été réalisées à bord des bateaux assurant le transport des expéditions antarctiques et subantarctiques, les mesures à poste fixe servant à jalonner le parcours des bateaux et à compenser l'absence de ceux-ci durant la plus grande partie de l'année.

La reproductibilité, en fonction des années, de variations très importantes de concentration des aérosols radioactifs, a permis la mise en évidence d'une véritable structure zonale de l'atmosphère, principalement dans l'hémisphère Sud, caractérisées par les "barrières de diffusion", permanentes (0°, et 24° Sud) ou saisonnières (22°Sud) suivant à peu près les parallèles.

Parallèlement, un bilan du radon commence à être établi, loin de ses sources, dans le but d'en déduire la quantité de radon injectée dans l'atmosphère par l'ensemble des terres émergées.

Situation aux îles Kerguelen :

Dans cette station, la concentration des aérosols radioactifs artificiels est particulièrement faible, alors que la contamination des pluies est loin d'être négligeable. Ceci peut résulter :

  1. soit d'un nettoyage particulièrement efficace des basses couches de l'atmosphère (peut-être par "léchage" de la surface des océans)
  2. soit du fait que la concentration des aérosols radioactifs n'est faible qu'à basse altitude, les zones pluviogènes étant, elles, normalement contaminées.

Circulation du radon :

Malgré l'éloignement de tout continent non glacé, la concentration du radon dans les régions antarctiques, et subantarctiques, est loin d'être négligeable. La brutalité des variations et les hautes concentrations observées parfois ont justifié le néologisme "d'orage radonique". Ceci implique des mesures toutes les deux heures aux Îles Kerguelen.

Il est maintenant prouvé que le radon mesuré à Kerguelen provient des continents, éloignés, de l'hémisphère austral, alors que le thoron provient de l'île même. On conçoit alors l'étroite corrélation pouvant exister entre le taux du comptage du radon et les phénomènes météorologiques à grande échelle.

Appareillage :

Les appareils mis en œuvre pour doser thoron et radon fixés aux aérosols sont des ensembles comprenant :

  1. un dispositif de pompage sur filtre
  2. des chaînes de comptage classique alpha et beta, mesurant la radioactivité des filtres.

Les taux de radioactivité alpha et beta, mesurés à des intervalles de temps fixés, permettent de calculer les teneurs en radon et thoron, connaissant leur constante de désintégration.

MESURES DIVERSES PRATIQUEES AU R.A.C.E.A

Cette année ont été entrepris à Kerguelen des dosages de Polonium 210 (210Po) dans l'eau de pluie. Le 210Po, descendant du radon par l'intermédiaire du plomb 210, est d'abord recueilli chimiquement au terme d'un protocole assez complexe. Puis, étant radioactif, il est dosé par comptage. Cette étude permettra de connaître la teneur en radon des zones pluviogènes.

D'autre expériences ont été entreprises au RACEA lors des précédentes missions. On peut citer : la variation de la teneur en Béryllium 7 des poussières atmosphériques, et celle du Carbone 14 d'air.

Nous constatons donc que l'activité du RACEA se concentre autour du dosage d'éléments radioactifs, très rares dans l'atmosphère. Certains de ces éléments sont créés par des phénomènes cosmiques dans la très haute atmosphère, et leur dosage, au sol et surtout en altitude, comme cela fut pratiqué durant la campagne d'été, permet de suivre les variations de rythme de la cosmosynthèse. Mais c'est surtout pour leur rôle de traceur dans la basse atmosphère que sont étudiés les aérosols radioactifs.


Notre chimiste

Gérard Binot est le responsable du labo du RACEA. Il a dans son labo un château en briques de plomb et des étalons radio-actifs qui lui permettent de faire des mesures, et tout un tas de produits. Pendant la campagne d'été, il a aussi à faire d'autres prélèvements et mesures en haute altitude. En gros, il pompe l'air dans un tampon de fibre et l'analyse. Il me disait que c'est le truc à mettre dans la tisane de ma belle-mère, mais à cette époque, je n'en avais pas.

Gérard Binot - Départ pour des prélèvements en altitude

Gérard Binot - Départ pour des prélèvements en altitude

En tant qu'ingénieur chimiste il est aussi présent à l'usine à hydrogène. Hydrogène destiné aux divers ballons sondes de l'équipe météo

Gérard Binot - Usine à hydrogène

Gérard Binot - Usine à hydrogène

Comme pas mal d'autres le font, il aime particulièrement partir en balade pour quelques jours et découvrir cette nature qu'il y a à Kerguelen. Ces balades sont autorisés par le chef de District Eric Moulaert selon des conditions bien précises de sécurité, et aussi de continuité de la bonne marche des labos pour les "scientifiques" comme pour les nombreux autres métiers qui peuvent exister sur la base.

Ceux qui partaient en balade n'avaient aucun moyen radio de communication avec la base. (NDLR : c'était le bon temps), et plus on devait aller loin, plus on devait être nombreux à partir.

Partir en balade était un bon moyen de changer d'air au sens figuré, de découvrir des lieux magiques, des animaux, d'avoir des moments simples de liberté, dormir sous la tente ou dans une grotte, de se confronter à une météo pas toujours facile, et ainsi de nous permettre de tenir ce long isolement.

Jacques Bitterly, gérard Ardiloé, Binot

Jacques Bitterly Magnétisme de la 17ème, Gérard Ardiloé Géomètre, Gérard Binot RACEA
en balade pendant la campagne d'été

Gérard Binot à Ratmanoff

Gérard Binot à Ratmanoff

Donc on s'organisait. On choisissait une période compatible avec ses activités, un groupe se formait autour d'un projet parfois ambitieux. Cela pouvait être nos grandes vacances. En 1968, il n'y avait pas des rotations de bateaux tous les 4 mois, avec des vrais touristes... comme aujourd'hui en 2020. Quand le Galliéni partait, c'était terminé, il y avait grand vide sur la base, on découvrait ceux qui restaient. Pas de rapatriement possible, pas d'avion de secours, c'était trop loin et une bonne météo pour atterrissage n'était pas certaine. De toutes façons, pas de piste. Peut-être quelques visites de bateaux de pêche ou scientifiques, mais rien n'était assuré. Le toubib avait de l'expérience en tant que médecin militaire, capable d'intervenir dans de nombreuses situations et puis, la morgue avait deux places .... dans les frigos. Qui peut demander mieux.

La grande balade

Un jour Gérard Binot fait partie d'un groupe qui veut rejoindre la côte ouest de l'île. C'est une longue balade. Il faut être six.

Certaines mesures des labos étant automatisées, on trouve un ou des remplaçants pour assurer le quotidien. Et pour Binot, les tâches quotidiennes à effectuer ne nécessitent pas d'être un expert en chimie. Et ils partent...

L'équipée :
Gérard Perraut Ondes Longues, Jacques Nègre Iono, Jacques Schmitt Magne, Gérard Binot RACEA, Jean François Murail Algologie
Daniel Delille BioMar accroupi,

Une rare photo de la balade

Le retour

Au retour, au loin, en s'approchant de la base, Daniel Delille le BioMar s’exclame "Eh Gérard ! où il est ton labo ?" Et plus ils s'approchaient plus ils voyaient que tout avait disparu.

Un incendie s'était déclaré dans le labo, et compte tenu de la nature des produits chimiques stockés dans le labo, il n'avait pas été possible, malgré les moyens mis en œuvre, de circonscrire cet incendie.

Sergent Edouard Révérent Menuisier, courageux pompier

Sergent Édouard Révérent Menuisier, courageux pompier

Destruction du labo du RACEA

Destruction du labo du RACEA

Et après une reconversion bien acceptée

Pas tout de suite quand même...

Après son retour en métropole, il a travaillé dans son domaine de compétence, mais au bout d'un certain temps son besoin de découverte de notre terre a été trop fort. Il s'est préparé, a tout prévu et est parti pour un périple dans les Amériques de plus d'un an... Arrivé au fin fond de l'Argentine, il est remonté à pied, en stop, ou en transports en commun jusqu'à la frontière des USA. Les américains le trouvant trop vagabond ne lui ont pas accordé de visa. Du coup il est passé par dessus, et a continué au Canada ...

Bien sûr, il a fini par reprendre une vie de travail "classique", mais quand même, après il a trouvé le moyen d'aller en Afghanistan (c'était encore possible) et en Indonésie avec des anciens de Ker18, puis il s'est stabilisé en métropole.


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