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La station 'Groupes de Recherches Ionosphériques'

Le Groupe de Recherches Ionosphériques .(G.R.I.), organisme issu de la collaboration entre le Centre National d'Etudes des Télécommunications (C.N.E.T.), l'Institut de Physique du Globe (I.P.G.) et le Centre National de la Recherche Scientifique (C.N.R.S.), possède à Kerguelen une station dont de nombreux exemples existent à travers le globe. Toutes ces stations ont pour but d'étudier l'ionosphère, et pour cela divers moyens sont mis à leur disposition.

Photo Caussidery

Jacques Nègre

Photo Caussidery

Jacques Bulle devant le sondeur à absorption

Gérard Caussidéry dans le pylône à mi-hauteur

Mais avant d'examiner ces moyens d'investigations, il est nécessaire de parler de l'ionosphère elle-même.

La découverte d'une région ionisée entourant la sphère terrestre est récente : elle date à peine du début du 20ème siècle; MARCONI en 1901 et HEAVISIDE suggérèrent, pour expliquer ce phénomène troublant, qu'une couche de particules devait entourer la terre et, de ce fait, agissait sur les ondes électromagnétiques comme un réflecteur. L'ionosphère était née.

De nos jours, on admet généralement que le rayonnement électromagnétique solaire est la principale origine de l'ionisation de cette couche.

On s'est aperçu, les progrès techniques aidant, que cette couche ionisée, située approximativement entre 40 et 500 km, n'est pas homogène ni constante dans le temps. Sa densité électronique varie suivant la latitude, l'altitude, la saison... Ce sont des variations normales que l'on connaît assez bien maintenant. Mais à l'heure actuelle, l'objet des études porte plus spécialement sur les perturbations d'origine magnétique, et donc solaire, qui intéressent l'ionosphère.

D'autre part, l'intérêt pratique des couches ionisées pour les télécommunications, à savoir le fait de réfléchir les ondes radio, conduit à étudier l'absorption que subissent ces ondes radio au cours de leur trajet et de leur réflexion dans l'ionosphère.

L'appareillage que possède la station ionosphérique de Kerguelen lui permet de conduire ces deux types de recherche sur l'ionosphère.

Photo fournie par Jean Desthomas (1966)

Le sondeur ionosphérique installé en 1966

Le "monument" du laboratoire est un sondeur ionosphérique à incidence verticale, de fabrication suédoise, dont le principe de fonctionnement s'apparente à celui du radar; un émetteur haute fréquence balaye une gamme de fréquences (250 Kc/s à 20,25 Mc/s) en envoyant des impulsions (de 50 micro secondes), de puissance 25 Kw crête, avec une fréquence de récurrence de 50 c/s.

L'écho réfléchi sur l'ionosphère est visualisé sur un oscilloscope, et de cette façon, connaissant le temps de parcours à la vitesse de la lumière, on peut afficher en ordonnées les hauteurs de réflexion, tandis qu'en abscisses, s'inscrivent les fréquences instantanées d'émission. Ainsi, sur "l'ionogramme" enregistré sur film, on peut voir les possibilités de réflexion des couches ionosphériques sur telle ou telle fréquence.

Le même type d'appareil, le sondeur à absorption, élaboré par le GRI, travaille, lui, sur 4 fréquences : 2,1 , 3 , 4 et 5,4 Mc/s. Les ondes, au cours de leur trajet, subissent une perte d'énergie due, d'une part, à la dispersion du front d'onde, et d'autre part à l'absorption par le milieu dans lequel elles évoluent. Cet appareil permet, en enregistrant l'amplitude d'un écho, de déterminer cette absorption par comparaison soit avec le niveau d'un autre écho mesuré la nuit - en effet, l'absorption peut y être considérée comme négligeable puisque le rayonnement solaire, principale source d'ionisation, est absent - soit avec celui du même écho mais réfléchi deux fois sur l'ionosphère après rebondissement sur le sol. Il existe enfin au GRI 4 Riomètres, d'origine américaine, qui servent eux aussi à mesurer l'absorption, non pas à partir d'une onde émise de la surface terrestre comme précédemment, mais à partir des radiations électromagnétiques provenant du cosmos. Cet appareil est un récepteur calé sur une fréquence 30, 25, 20, ou 10 Mc/s. L'originalité de son principe de fonctionnement réside dans le fait que la mesure se fait par asservissement d'un générateur de bruit au bruit d'antenne, de telle façon qu'on enregistre l'intensité du générateur (en l'occurrence une diode), grandeur proportionnelle au bruit d'antenne.

Ainsi, telle qu'elle se présente, la station ionosphérique de Kerguelen offre de nombreuses possibilités de recherche.

Sa situation géomagnétique, qui en fait une base d'observation privilégiée, permet de penser qu'elle connaîtra dans un proche avenir un important développement, ceci aussi bien par l'automatisation de son appareillage que par l'introduction de nouveaux moyens d'investigation.

La station du GRI

La station du GRI en 1966 avec son pylône de 72 mêtres (Photo Jean Desthomas - 1966)


Quelques infos et photos complémentaires concernant la station et ses habitants

Avant la mise en place de satellites relais de communication, les transmissions radio longues distances ne pouvaient se réaliser que par la réflexion des ondes radio sur les couches ionosphériques. Plusieurs ricochets entre la couche ionosphérique et la terre permettaient d'établir une liaison avec un correspondant situé aux antipodes. Le signal à l'arrivée pouvait être très affaibli, disparaître, réapparaître et les transmissions en morse étaient un ultime moyen que des opérateurs radio, très entraînés, arrivaient souvent à retranscrire malgré tout. Ces couches ionosphérique étaient très variables, et la connaissance de leurs comportements était stratégique pour le monde militaire et professionnel. Des stations de mesures ont été déployées à travers le monde à l'instar de la météorologie. On pouvait ainsi déterminer les fréquences, l'heure à utiliser selon l'endroit sur le globe que l'on souhait atteindre. Mais un orage solaire émettant des particules pouvait détruire les couches ionosphériques et empêcher toute communication.

La station de Kerguelen avait ce rôle, mais aussi un rôle plus scientifique, qui était géré par le GRI (Groupe de Recherches Ionosphériques)

Cette station est localisée à environ 1,5 km de la base, volontairement loin, pour réduire les effets de ses émissions de fortes puissances, 20 kw crête, très perturbatrices pour les communications radio et autres laboratoires équipés de récepteurs de mesure. Et cela 24h sur 24.

Les haubans du pylône, chargés de le maintenir vertical, font en fait office d'antenne, et ils concentrent le lobe d'émission verticalement vers les couches ionosphériques. Cela dit, il reste pas mal de rayonnements horizontaux, et vu la puissance d'émission, ils ne sont pas négligeables.

La station du GRI

La station du GRI (Photo G.Caussidéry)

En outre, il y a au sommet du pylône, une pompe à air aboutissant sur un filtre/capteur, installé par le labo RACEA, pour mesurer la pollution radio-active de l'air. Les essais nucléaires français en août 1968 en Polynésie, furent parfaitement mesurés ici quelques temps après.

Des opérations de maintenance périodiques étaient nécessaires pour inspecter les connexions et éventuellement supprimer les oxydations au niveau des raccordements de l'antenne sur son feeder. Grimper là-haut pouvait être aussi l'occasion de faire de belles photos, mais cela était encadré pour des raisons de sécurité.

Le pylône de la station du GRI

Le pylône de la station du GRI (Photo JC Boitel)

Du fait de son éloignement, l'équipe chargé de la station du GRI avait à sa disposition une Jeep Hochkiss, diesel, pour se rendre rapidement à la base sur une route particulièrement chargée en nids de poule et autres "godons" (gros cailloux). Cette route était bordée de quelques tonneaux de 200 litres pour baliser son parcours par temps de neige, ce qui lui a valu d'être appelée "La route des vins".

La route des vins

La route des vins, au loin à gauche le mur pare vent de la météo.

Pendant l'hivernage, la route aura été restaurée. Mais au début de la mission, nous crevions un pneu deux fois par semaine. On a même perdu une roue en roulant sagement dans un nid de poule. Tout ça faisait partie du folklore de l'île, et tout le monde s'en arrangeait. Les gars du garage, Robert Pétinot, André Malot ou Jean-Daniel Olivier venaient avec leur gros Wrecker nous dépanner, le sourire aux lèvres, habitués de ce genre de situation. On buvait un coup à la station et c'était sympa.

La Jeep du GRI

La Jeep du GRI

La station était confortable et bien équipée. Nous étions trois pour nous en occuper. Jacques Nègre, le scientifique, était responsable de la station et chargé des dépouillements des ionogrammes et autres dispositifs de mesures et de la communication des résultats vers notre instance dirigeante. Après cette mission, la vie de Jacques sera consacrée à la recherche pétrolière, qui l'amènera à parcourir le monde durant 40 ans. Durant sa retraite, il enseignera en Afrique la géologie et participera à des missions d'aide au développement.

Jacques Bulle, pur franc-comtois du haut-plateau des Fourgs dans le Haut-Doubs, un ancien de la 12ème mission aux Kerguelen en 1962, et qui avait déjà un long parcours d'aventures. En décembre 1963 jusqu'en avril 1964, il part en expédition en tant qu’électronicien à la 9ème mission antarctique soviétique, qui reliera les bases de Vostok à Mirny à bord de tracteurs russes de 34 tonnes. 2300 kms par des températures allant de -40° à -70°. La mission était essentiellement glaciologique, et dirigée pour la partie française par le professeur Albert Bauer. Si le sujet vous intéresse il existe un livre "Vostok - Le dernier secret de l'Antarctique" de Jean-Robert Petit, ISBN 2916552316, 9782916552316 et qui relate en détail, entre autres, cette expédition.

Jacques Bulle - Raid 1964

Jacques Bulle (Collection Jacques Bulle)

Puis une ou deux expéditions au Spitzberg et Groenland en 1964 et 1966, à bord d'un voilier en contre-plaqué Herbulot, pour des mesures sur le magnétisme, mais je manque d'information actuellement pour en écrire plus.

Après la 18ème de Ker, il ira en 1970 en Terre Adélie, puis en Cote d'Ivoire pour le GRI et deviendra l'adjoint du chef scientifique des TAAF jusqu'en 1991.

Lors de son décès le 14 décembre 2018 à l'âge de 92 ans, sa soeur m'apprendra qu'il s'était engagé à 19 ans en 1945 dans la 2ème DB libératrice, lorsque celle-ci traversait l'Est de la France. Puis il restera au sein de l'armée, qui le formera aux techniques radio militaires. Il aura alors l'occasion de parcourir l'Afrique, le Vietnam, le Laos jusqu'en 1963.

C'était un personnage de la mission haut en couleur, débordant de vie, où il sera de toutes les fêtes, les pots, souvent en tant qu'animateur, barman, danseuse étoile, joueur de belote, etc...

Jacques Bulle en barman

Jacques Bulle en barman

Sur cette photo on voit aussi Jean-Paul Zimmerman le Cinoc à gauche, au fond Henri Pereyron le grand météo
puis devant Alex Germinal (Travaux publics),
et au bar Jacques Nègre Iono à coté de Gérard Cuvellier l'algologue.

Puis, dans l'équipe, il y avait moi, "qui vous cause", Gérard Caussidéry, qui sortait de l'école (ECE promotion 1967), et à qui on avait proposé un an auparavant, (par un ancien élève de l'école Pierre Décréau qui avait effectué la 15ème à Kerguelen), cette aventure particulière dans des îles que je ne connaissais pas. Ma chère école aura fourni pendant des années des techniciens aux diverses missions contrôlées par les TAAF. C'était devenu quasiment une tradition qu'il y ait 1 à 4 élèves qui partent chaque année dans ces endroits perdus du monde.

Personnellement, j'avais choisi Terre Adélie, mais c'est Kerguelen qui m'a été offert. Ma vie aura été géographiquement moins aventureuse et très orientée au départ vers la conception de matériels électroniques qui était ma passion, et qui a évolué rapidement vers les systèmes informatiques avec tous les périples et opportunités que l'on peut rencontrer dans le monde du travail.

Pour en revenir à la station Ionosphériques, Jacques Bulle avait envie de repeindre et d'améliorer notre station. En récupérant deci-delà des vieux poteaux en bois, de la toile de jute, des cordages trouvés en bord de mer, il avait équipé la salle de veille de meubles "très chics". Moi, j'avais fabriqué un amplificateur hifi, du moins on peut l'espérer, avec les composants en stock disponibles, c'est-à-dire des ECC82 et des EL84 en push. (Oui ça date un peu), "le mépré" Gérard Maille avait fabriqué le châssis de l'ampli, à la fraiseuse, dans une plaque de dural de 5mm d'épaisseur... et le chef de District Eric Moulaert nous avait passé un magnétophone professionnel.

GRI La salle de veille

La station du GRI - La salle de veille

René Rougemont qui travaillait à la ferme, nous avait planté des fleurs dans des touques redécoupées. En fait, ces fleurs étaient des piments rouges, mais d'un très bel effet.

GRI La salle de veille

La station du GRI - Atelier de réparation et matériels de rechange

GRI La salle de veille

La station du GRI - Jacques Nègre

On avait tout pour passer nos 15 mois de présence dans cette île perdue, et pouvoir inviter des amis à des rougailles ou des pots.


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