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Haraker N°2 - Juin Juillet 1968

Folies "BERKER"

Passent les jours, passe le temps, le calendrier s'effeuille; le 21 Juin approche. Qu'est-ce là ? Une date historique? Non, pour moi, pour nous tous ici, le début des réjouissances, cette fameuse MID-WINTER

Avant même d'être parvenu en cet archipel lointain, alors qu'il avait été question que j'y vienne, déjà on m'avait parlé de cette fête de L'Antarctique, de ce jour pas comme les autres. Et puis sur place, ici, la vie s'organisait; il m'était parfois donné d'écouter un ancien parler de la Mid-Winter, la sienne, celle qu'il avait vécue; alors, on pouvait voir dans ses yeux une drôle de lueur, un mélange de rire et mélancolie, une expression violente du souvenir. Combien de fois l'ai-je entendu ce mot ! Il en devenait sacré, c'était toute la mission... Et voilà, ce matin. J'ai arraché la feuille du calendrier, une de plus et c'est le 21 Juin.

Un réveil comme chaque matin ou presque, oui bien sûr le jour est arrivé, mais quoi, que va-t-il se passer ? Oh! Comme chacun, je sais bien que certains camarades, par groupes, ont préparé depuis quelques jours une "attraction"; et puis, comme tout le monde, j'ai entendu parler de ce que sera la salle, mais mes idées ne sont pas très claires, et puis, avec presque rien que peut on faire ?

Le ROSS revêtu de son habituelle parure blanche scintille de mille éclats en ce matin, le givre et le gel, jetés çà et là comme par la main précise d'un artiste, font dans l'acaena un réseau cristallin plus limpide que le diamant, toute la nature semble s'être pour ce jour parée des mille feux que fait le soleil dans ces aiguilles de glace.

Concours de tir

C'est en regardant cela que j'atteins ce plateau derrière la chapelle, où doit avoir lieu le concours de tir... Certes je n'y ai pas été brillant, mais le ricochet de la balle sur l'eau tranquille m'a distrait un peu.

Ainsi ma triste performance était oubliée déjà, lorsque je me suis retrouvé au milieu de tous dans ce restaurant plus propre qu'à l'ordinaire, et revêtu d'une nouvelle décoration : les tableaux de notre Mission. La scène originale, quelques guirlandes (pas assez peut être). Mais c'est curieux, devant cette nouveauté, je suis un peu dépaysé, à quoi correspond exactement tout cela, je n'en sais rien et ne vois pas très bien... la pendule ! drôle et cocasse ! Peut être que ceci, trop neuf, désorganise l'image que l'habitude a commandé à mes yeux de reconnaître.

Le déjeuner fut agréable, un bon repas de fête. L'après-midi des jeux, un matériel simple mais je me suis bien amusé tout de même, la poutre surtout a eu pas mal de succès. Cependant rien de bien extraordinaire, et quoi ! est-ce donc là ce qui illumine le regard des anciens... enfin on verra bien !

Ce fut enfin l'heure du dîner... je me suis travesti, ayant entendu dire que cela se faisait, et de toute façon la "Grande soirée Parisienne" donne lieu à un bal costumé ! Comme beaucoup je suis en avance, lorsque j'essaye d'entrer dans la salle, tiens la porte est fermée ! Quelle idée ? Elles furent longues ces 20 minutes durant lesquelles j'ai patienté dans ce hall d'entrée qui avait son visage de chaque jour. Eh bien quoi ! ... C'est donc ce soir que tout se passera, mais d'ailleurs que peut-il se produire qui soit extraordinaire? Bien sûr !

Les copains ont préparé leur "numéro", mais cela ne suffira jamais ! En vérité, alors un peu inquiet, peut être y avait il l'appréhension d'assister à un échec, à quelque chose de morne; que nous réservait cette soirée ? Un triste relent de paillardise estudiantine, ou le médiocre pastiche d'une vraie soirée de cabaret ! Oh et puis c'est long à la fin cette attente... je n'ai pas même songé à jeter un oeil par la fenêtre, enfin la porte s'ouvre...

Mais d'où ont ils sorti ces "Nanas" ! Putain, les minettes ! Je ne sais plus combien de temps a duré l'illusion, mais j'ai eu un choc... J'avais entendu des propos sur la "Fée électricité" j'ignorais cependant qu'elle fut parmi nous ! Un maître d'hôtel stylé m'invite alors à m'avancer... J'ai l'impression d'entrer dans un monde nouveau, perdu dans quelques vagues souvenirs. Dans cette lumière douce, la salle n'a plus rien de ce restaurant que je connaissais, l'éclairage diffus projeté sur les tableaux les fait apparaître en demi-teintes... Presque vivant, le sourire aguichant de cette femme, la souplesse de ce couple qui n'est plus figé. Et puis ces tables disposées selon un hasard qui surprend, mais plaît à mon regard...

Les météos: Eugène Ollari (Radar), Claude Le Balier, André Girard, Alfred Sassin.

Est-ce possible, je rêve ! Mais non, ces chandeliers sont bien réels, les nappes ne sont point de fugitives taches blanches, les lampes aussi sont vraies... Qui sont donc ces messieurs vêtus de vestes blanches, sérieux et stylés, mais je les reconnais, eux aussi sont réels, mais tellement différents... Ainsi à peine entré en ce sublime lieu, je suis déjà enchanté.

Cette "galante" personne qui avait étonné mon regard me conduit maintenant à ma table, ainsi que mes trois amis tout aussi surpris et étonnés que moi. Je ne pense à rien, mon regard trop avide ne comprend pas... Mais l'exigence de mon estomac me ramène à la réalité, et je lis distraitement la "Carte" ... Non, j'ai bien mes lunettes ! Ce que je vois est vrai. Pourtant, j'en ai connus, des hauts lieux du palais, mais cette avalanche de mets accroît encore mon impression d'irréel.

Jacky Capuono-Troisi en maître d'hôtel pour l'occasion

Monsieur désire ? Ah oui, oui l'apéritif !... Eh bien, un whisky, s'il vous plait... Rigides, distants, remarquables ces garçons. Est-ce donc possible, ce mimétisme, ou bien ce sont mes sens qui me trompent ?

Je ne me souviens même plus ce que j'ai dégusté, j'ai apprécié le vin commandé à un habile sommelier... Le regard depuis longtemps émerveillé, le ventre repus... Que fallait-il encore pour s'abandonner à l'enchantement. C'est dans cette ambiance presque irréelle par son contraste entre deux visages, l'un visible l'autre connu, qu'a débuté le spectacle.

Le rêve se poursuit, selon la bonne tradition du "music-hall", un orchestre typique dont le rythme évoque le soleil et les chaudes couleurs de son pays fait se poursuivre mon extase... C'est à présent la voix chaude de la Corse qui rappelle un moment quelques souvenirs de vacances... Un burlesque désordonné, mais cependant agréable et surprenant par son naturel... mimes, décors, fakirs, ... musiques aux visages changeants, accords venus des quatre points du monde, et la fête continue égale dans son merveilleux. La surprise demeure, folâtre, passe d'un visage à un ballet ... je ne sais plus où je suis et tous les regards restent tournés vers cette scène qui nous dépayse.

Entracte... La musique invite à la danse, au rythme, la joie se laisse porter par les notes, le corps lui aussi est victime du mirage... Une fois encore les animateurs apparaissent pour annoncer un nouveau spectacle, le rideau s'estompe...

Autre illusion, nouvelles surprises... Je n'ai pas vu le temps passer... Il faisait encore nuit lorsque j'ai regagné mon lit les yeux pleins de rêve, les GRI Bell's Girl's poursuivaient dans ma tête leur merveilleux ballet !

Le lendemain, déjà entamé, devait être plus calme, mais mon excitation était telle qu'il passa lui aussi très vite... Une bonne table précédée d'un apéritif original... Un après midi de sport en salle ! ... Puis vint le soir, je ne sais plus ce à quoi j'ai pensé, ma tête encore était pleine des illusions de la veille et le lendemain il fallait se lever pour le rallye.

De cela aussi on avait parlé, et ce dimanche matin nous nous sommes retrouvés nombreux pour recevoir les instructions. Ayant, avec mon équipe, réuni toutes les choses hétéroclites demandées nous nous sommes mis en route.

Pas facile du tout l'itinéraire de la piste, aussi je ne m'étonne pas que nous nous soyons quelque peu brouillés avec icelle ! Encore qu'un sage conseil tenu en rase campagne nous a épargné d'aboutir à la baie Norvégienne... Enfin nous avons fait de notre mieux... Et puis c'était tellement agréable, pas de vent, un soleil radieux, Oh ! Il y a bien eu quelque commissaire, nous semble-t-il, un peu trop empressé... Mais nous avons passé une bonne journée.

A présent la fête est finie, quelques uns heureux gagnants de différents jeux ou épreuves ont reçu leur récompense. Comme beaucoup, je n'ai rien gagné... pourtant si, j'ai gagné quelque chose. J'ai enfin connu cette légendaire MID-WINTER. Certes la routine aujourd'hui a repris ses droits, mais ma tête encore est pleine de souvenirs, trop présents cependant pour que je puisse me rendre compte de ce que fut réellement ce jour. Cette soirée où j'ai vraiment rêvé, cette magnifique "Soirée Parisienne" qui, par ses attractions de bon goût et toujours égales, sut provoquer un émerveillement croissant jusqu'à l'aube. J'étais spectateur, mais je crois que cette réussite, qui, en créant un merveilleux souvenir commun, participe à nous lier mieux dans l'amitié, est due à nous tous.

Chacun s'est pris au jeu, si jeu il y a. Chacun a mis toute sa bonne volonté, tout son coeur pour que tous s'amusent, afin de créer un rêve auquel personne ne put échapper, pour qu'ensemble nous nous souvenions longtemps de ce jour et reparler de cette MID-WINTER... La Nôtre...


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