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Haraker N°2 - Juin Juillet 1968

Excurssion dans la vallée des merveilles

Dimanche. PAF au lever du jour. Sur le chaland, de nombreux "touristes" et quelques sacs. Soleil. Razzia sur les moules, un sandwich et le dernier coup de Louzou avant le véritable départ. Débarquement sur une côte que nous qualifierons de rocheuse et escarpée; une glissade et aussitôt la première leçon du voyage: un sac à dos aussi lourd soit-il flotte dans l'eau de mer; une opération de secours s'organise avec la rapidité de l'éclair, deuxième glissade et deuxième constatation: l'homo sapiens moyen flotte même avec des bottes. Après repêchage des diverses épaves, une deuxième tentative de débarquement réussit cette fois, mais un peu plus loin, dans une petite crique accueillante.

La longue marche débute aussitôt par un raidillon, Dieu que nos sacs sont lourds, heureusement la pente s'inverse (cela pourrait même descendre un peu trop, au dire des fesses de certains). Au fur et à mesure que le chemin redescend, le moral remonte, ce qui permet d'adopter le régime de croisière que nous ne quitterons plus jusqu'à la fin.

Une petite vallée en coup de hache s'enfonce dans le plateau central; nous nous y précipitons en dédaignant la cabane de Port Raymond pourtant toute proche; un lac, un autre, un long saute-mouton de vallée en vallée commence. Menacés par la nuit, nous plantons les tentes dans un moelleux tapis d'açaena.

Le lendemain matin, le solei1 n'est plus là mais il ne pleut pas. Une petite montée, un col, et devant nous la mer: sans doute le havre de Bontemps et juste de l'autre coté, la presqu'île de Port-Couvreux; la position n'est pas certaine, mais nous continuons quand même dans la direction présumée de la vallée des Merveilles. Nombreux arrêts afin de consulter la carte, mais nous ne sommes même pas certains de pouvoir nous situer sur la portion que nous en possédons. Partout des godons, des petits lacs, des mares, et plein Sud le Ross, à peine reconnaissable, apparaît juste devant un lac immense: ce ne peut être que le Guilvinec qui est bien visible sur la carte. Cette fois nous fonçons, sûrs de nous.

Ballade à la vallée des Merveilles - Photo Gérard Binot

Séchage de la tente - J.Schmitt (Magnétisme), J.Nègre (Iono), G.Perraut (Ondes Longues) Photo Gérard Binot

Au coucher du soleil, nous avons laissé derrière nous Bossière; nous plantons les tentes sur un lit de petits godons, tout prés du lac des Deux Ilots. Le ventre bien rempli de cassoulet, nous nous glissons dans les duvets et dans les bras de Morphée, bras bien humides hélas : pluie, transfert d'une tente à l’autre, frisson, enfilage des cirés, bref une nuit aussi blanche que mouillée.

L'aube nous permet de constater que maintenant nous campons dans un lac: cinq centimètres d'eau ne sont pas suffisants pour nous arrêter, chacun se transforme en séchoir ambulant et nous repartons. La marche est courte: les berges accueillantes du lac Tristan et un soleil lumineux incitent à une halte très prolongée dont nous repartons presque secs.

Le camp est installé à l'entrée d'une gorge qui doit nous conduire au fond du val Travers (désormais nous ne dormirons plus que sur de l'açaena, terrain pas toujours très plat, mais qui préserve des inondations).

Lendemain, soleil, gorges encaissées et très pentues. Quelques tâtonnements pour trouver le passage, et brutalement, le val Travers. Amère déception, le passage n'est sûrement pas là: le cirque de Gavarnie est à peine moins abrupt. Palabres, longues recherches, enfin une voie possible; la descente parait vertigineuse surtout vue d'en bas. Renonçant à passer directement dans la vallée des Merveilles, nous nous engouffrons dans le val Moustache.

Cette fois l'avance est quasiment fulgurante: nous touchons au but; demain, juste un petit col à franchir, et nous serons au Cook. Au matin un invité imprévu: la neige.

La vallée des Merveilles

Pour éviter de plier des tentes mouillées nous décidons de laisser le camp et de faire juste un aller et retour à la vallée des Merveilles. Le col est avalé en un tour de main; devant, encore une descente très, très rapide. Comme nous sommes dans un véritable champ de cristaux, nous préférons la chasse à la géode à la marche forcée. Nous explorons le plateau. Une éclaircie nous dévoile la vallée des Merveilles que nous surplombons; en face, s'étale le Cook, immensité blanche avec ses glaciers qui dévalent dans la vallée.

L'âme légère et les poches lourdes de godons, nous redescendons au camp. Demain Port-Couvreux.

L'ancienne ferme est loin; d'abord redescente du val Moustache, ensuite val Travers et berges du lac Bontemps. Rives merveilleuses mais très escarpées: l'espace entre la falaise et le lac se rétrécit de plus en plus et se rapproche insensiblement du niveau de l'eau. Un dernier virage, une arche de pierre et plus rien: cette fois la falaise a les pieds dans l'eau; impossible d'escalader mais plus loin la berge réapparaît.

Cette sortie a commencé sous le signe du bain et bien ! nous continuerons à jouer les grenouilles. Un éclaireur a sondé le fond: il ne doit guère dépasser le niveau de la ceinture. Les vêtements bien au sec dans le sac nous partons avec juste le bas du ciré. Au fur et à mesure de l'avance le niveau monte: il dépasse alors les bottes, l'eau s'infiltre le long du ciré, c'est frais mais supportable. Le niveau monte toujours jusqu'à atteindre le bord supérieur du pantalon : l'eau s'engouffre alors en cascade.

C'est une caresse inoubliable, mais finalement il n'y a que le premier pas qui coûte et nous continuons de pied ferme. Rhabillage sous la neige, et nous repartons le vent dans le dos.

Port-Couvreux

Marche interminable, mais qui nous conduit enfin à l'anse de Port-Couvreux qui est traversée dans la foulée. Un dernier effort et nous atteignons le petit col. Nous touchons au but mais nous n'y serons pas ce soir.

Une dernière nuit sous la tente, puis une petite promenade, et c'est la terre promise: un feu crépitant, un peu de Louzou mettent le moral au beau fixe. Le soir discussion à la chandelle et dès le lendemain, les deux moins touchés d'entre nous repartent pour pouvoir être de retour à l'heure dite. Pendant ce temps, nous nous payerons une journée de chasse et de farniente.

Port-Raymond

La forme revenue et le beau temps aidant, il nous suffit alors de deux jours pour rejoindre Port-Raymond. Là, une surprise nous attend: à peine installés dans la cabane, nous voyons arriver notre avant garde qui, grâce à de petites erreurs d'orientation, quelques bains, et de nombreuses heures de marche forcée, a visité, bien contre son gré, une bonne partie des côtes de la baie du Morbihan.

Retour à Port-Aux-Français

PAF est une dernière étape sur du terrain connu et tient un peu trop du marathon.
Mais, après tous ces bains, qu'elle est bonne la douche!


Le narrateur dans son labo

Daniel Delille passe le flambeau au nouveau de la 19<sup>ème</sup>

Daniel Delille, en blanc, passe le flambeau aux nouveaux de la 19ème (Photo JC.Boitel)


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