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RIVOLIER Jean
Jean Rivolier, une figure des Expéditions Polaires
Françaises, une personnalité qui a marqué la médecine et, plus largement,
les facteurs humains en situations extrêmes, est décédé le 27 avril 2007 à
Lannion à l'âge de 84 ans.
Né le 03 mars 1923, il fait ses études de médecine à Paris. Il s'est dans un
premier temps spécialisé en oto-rhino-laryngologie.
Pendant la deuxième guerre mondiale, il s'engage dans les rangs de la
Résistance où il participe à de nombreux faits d'armes et soigne ses
camarades blessés.
Il montre rapidement que sa passion va à l'ensemble des milieux extrêmes.
Chercheur et travailleur infatigable, il est maître dans la rédaction de
synthèses bibliographiques exhaustives et multiplie les travaux dans de très
nombreux domaines. Il soutiendra quatre thèses de doctorat : médecine,
physiologie, biophysique et psychologie. Il sera surnommé « tetradoc » par certains de ses amis.
Les étapes principales de sa carrière sont :
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de 1955 à 1979, sa fonction de médecin-chef et
responsable de recherches pour les expéditions polaires françaises et les
Terres australes et antarctiques françaises, |
| de 1980 à sa retraite en 1998, celle de professeur de psychologie à
l'Université de Reims et fondateur du Laboratoire de Psychologie
Appliquée. |
C'est son action dans le domaine polaire qui est la plus largement
connue.
En 1951, il veut participer à une expédition en Antarctique. Il rencontre
Paul-Émile Victor qui le recrute pour hiverner en Terre Adélie. Il sera
médecin-chirurgien du premier hivernage dans l'archipel de Pointe Géologie au
sein de l'équipe de Mario Marret. Il y approche le comportement humain en
milieu isolé et confiné. Dès 1954, il décrit ce qu'il nomme « le
syndrome mental d'hivernage ». Il y réalise aussi une étude de
l'anatomie, de la physiologie et du comportement des manchots empereurs et
publiera de nombreux articles grand public et scientifiques sur ce sujet.
Pendant ce séjour, il participe, pendant l'été austral, à des raids
d'exploration de la côte de Terre Adélie jusqu'au fameux Rocher X.
Ces raids en traîneaux à chiens et son hivernage sont pour lui et son épouse,
Caroline, l'occasion de relater ses aventures adéliennes dans des ouvrages qui
sont des références de la littérature polaire: « Boss, chien polaire
» (1955) et « Des manchots et des hommes
» (1964).
Aux Expéditions Polaires Françaises, il devient le responsable du « Bureau médico-physiologique
». Il y dirige le contrôle d'aptitude des
candidats aux expéditions et contribue à l'amélioration des conditions de vie
en hivernage à travers des travaux sur l'adaptation au froid, les protections
vestimentaires, l'alimentation en hivernage et lors des raids. Il élabore et
fait évoluer les méthodes de sélection et de suivi psychologiques des
hivernants. Précurseur dans le domaine de la « médecine isolée »,
il organise méthodiquement les moyens médicaux sur site ainsi que le
recrutement et la préparation des médecins d'expéditions.
En 1969, il devient Médecin-chef des Terres australes et antarctiques
françaises (TAAF). Il est responsable de l'ensemble des problèmes sanitaires
pour les quatre districts. Il organise le Service Médical TAAF en structure
pérenne, efficace. Avec son équipe, installée à la « péniche »,
il veille à toujours faire évoluer ce système de santé en associant la
médecine opérationnelle à la recherche. Les expéditions sont des
laboratoires qui explorent et testent tous les sujets touchant à l'adaptation
de l'homme : médecine, biologie, psychologie, sociologie, adaptation au froid,
sommeil, bioclimatologie…
Son action n'est pas limitée au niveau national. Il fait partie des membres
fondateurs du groupe de travail de Biologie Humaine et Médecine du Scientific
Committee on Antarctic Research (SCAR) et en assure la direction pendant une
dizaine d'années. Il organise alors en 1980 l'International Biomedical
Expedition to the Antarctic (IBEA) qui, avec le soutien logistique des
Expéditions Polaires Françaises, permettra aux chercheurs de cinq nations de
réaliser en Terre Adélie, une étude multidisciplinaire sur l'adaptation de
l'homme à la vie en milieu polaire.
Précocement, il fréquente aussi le milieu de la montagne.
Jean Rivolier lors de l'expédition au
mont Ross, à Kerguelen |
En 1955, il fait partie de l'expédition française au Makalu avec Lionel Terray
et Jean Franco. Il va aussi dans les Andes, à l'Aconcagua. En montagne
également, l'aventure n'est pas sa seule motivation. Il veut percer les
mystères de l'adaptation à cet environnement. Il écrit le livre «
Médecine et montagne » (1956) qui restera longtemps une référence. Il
conduit des études sur l'hypoxie avec les équipes des médecins généraux
Grandpierre et Colin sur site (refuge Vallot) et en laboratoires (laboratoire de
médecine aérospatiale de Brétigny-sur-Orge). Il sera un des promoteurs de la
méthode d'acclimatement à la haute altitude par ascension en « dents de
scie ». Il a longtemps été coordinateur et animateur de la Commission
Médicale de la Fédération Française de la Montagne. En 1974-75, il organise
l'expédition qui gravit le dernier sommet français invaincu : le mont Ross à
Kerguelen. Il dirige également le Laboratoire de Bioclimatologie et
d'Écologie
Humaine qui, en coopération avec la Météorologie Nationale étudie
l'influence du climat sur la santé humaine et en particulier celle des milieux
froids, des variations du champ électrique terrestre, du magnétisme terrestre
et de l'ionisation de l'air.
A partir de sa nomination comme professeur à la chaire de psychologie à
l'Université de Reims, il élargit à nouveau ses champs d'intérêt.
Il met en œuvre de nombreux travaux dans le domaine de la psychologie du sport
et dans celui des situations de stress aigues et chroniques. C'est pour lui
l'occasion d'écrire plusieurs ouvrages sur le stress : « L'homme stressé
» en 1984, « Facteurs humains et situations extrêmes
» en
1992.
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A la fin des années 80, les agences spatiales, CNES et ESA, identifient le
milieu polaire comme un bon analogue aux missions spatiales dans le domaine des
facteurs humains. Jean Rivolier fait partie des experts chargés de trouver des
applications à utiliser dans l'exploration spatiale et planétaire. Il conduit
des études en Terre Adélie et lors de simulations en caissons. Il compare les
méthodes russes aux méthodes occidentales. Il est l'auteur de « L'homme
dans l'espace » en 1997.
Jean Rivolier était un chercheur complet capable d'assimiler l'ensemble des
données bibliographiques sur un sujet, de poser les bonnes questions et choisir
les spécialistes adaptés pour y répondre. Il valorisait les publications
résultant de ses travaux en produisant des ouvrages de synthèse de
référence.
Jean Rivolier était un entrepreneur hyperactif, entier, infatigable. Il ne
craignait pas les obstacles et les entreprises compliquées, de longue haleine.
Il savait convaincre, rassembler les volontés et motiver ses équipes.
Jean Rivolier était également un humaniste qui vivait ses nombreuses passions
à fond. Il a aussi su s'investir dans des activités aussi diverses que le
sport automobile, le nautisme, la peinture, la philosophie…
Il était un ami fidèle, simple, chaleureux, disponible… avec qui il était
bon de travailler et de partager.
Claude Bachelard, Georges Polian, Jacques Regnard.
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