MORLET Bernard

 

Membre du Conseil d'Administration des EPF

 

Hivernage Dumont d’Urville 1958

Responsable ionosphère

 

Hivernage Dumont d'Urville 1966

Responsable scientifique

 

Campagnes d'été Dumont d'Urville 1968, 1971, 1973, 1976

responsable Géophysique Externe

 

Visite 1985 et campagne d'été 1988 Dumont d'Urville

Chef de la Mission de Recherche des TAAF

 

 

 

Bernard Morlet à Dumont d'Urville pendant la campagne CITADEL, été 1973
(photo Guy Penazzi)

 

NOTICE NÉCROLOGIQUE BERNARD MORLET

MORLET (Bernard), né à Paris le 14 février 1932, décédé à Créteil (Val-de-Marne) le 27 janvier 2010 - Promotion de 1932 s.

Bernard Morlet, fils d'enseignants, fait de brillantes études au lycée Henri IV à Paris et entre, à 20 ans, à l'École normale supérieure de la rue d'Ulm. Il prépare son diplôme d'études supérieures au laboratoire de radioastronomie dirigé par Jean-François Denisse. Ses observations et résultats sur la température du fond du ciel représentent une avancée scientifique significative, largement soulignée par ses maîtres de l'époque. Il quittera l'École après avoir obtenu l'agrégation de physique.

Voilà donc un superbe départ qui lui permet d'être associé à la préparation, de l'Année Géophysique Internationale (AGI, 1957-1958). Cette opération va mobiliser 67 pays. Douze nations conjuguent leurs efforts pour créer quarante-huit bases scientifiques dans l'Antarctique. La France pour sa part va déployer d'importants moyens consacrés à l'étude géophysique de ce vaste continent, en ouvrant deux bases en Terre Adélie : Dumont d'Urville en bordure de continent et la station Charcot sur la calotte glaciaire. Bernard Morlet, chargé de l'étude de la haute atmosphère ionisée, hivernera en 1958. Cette première expérience lui ouvrira les portes de la recherche scientifique et celles des régions polaires. C'est à ce moment que nos chemins se croisent. Bernard débarque sur l'île des Pétrels pour entamer son hivernage à la base Dumont d'Urville, alors que moi je m'apprête à rentrer en France après un séjour d'un an passé à la station Charcot.

A son retour de Terre Adélie, Bernard Morlet effectue de 1959 à 1961 son service militaire au 13ème Régiment d'Artillerie à Laghouat en Algérie ; il est démobilisé avec le grade de lieutenant de réserve.

Fin 1961, il participe à la création du Groupe de Recherche Ionosphérique (GRI) qui sera le cadre de tous ses travaux pendant près de vingt ans, d'abord comme chercheur, puis comme sous-directeur de ce laboratoire implanté par la suite à Saint-Maur-des-Fossés (Val de Marne) sur un terrain de l'université Pierre et Marie Curie (Paris VI). Nos chemins se croisent à nouveau et nous consolidons notre amitié.

Début 1962 aux îles Kerguelen, Bernard Morlet participe à une campagne de lâcher de ballons-sondes pluridisciplinaires pour l'étude des précipitations de particules dans la haute atmosphère. Cette même année, le 9 juillet, les Etats-Unis font exploser une bombe atomique à 160 km au-dessus de Johnson Island et Bernard Morlet, nommé secrétaire d'une commission ad'hoc créée par le Comité d'action scientifique de la Défense, est chargé de coordonner à l'échelle du globe les observations des effets de l'explosion américaine dans la haute atmosphère.

À partir de 1963, Bernard Morlet dirige l'équipe " Station " du GRI et à ce titre va procéder, dans le cadre de l'étude du minimum d'activité solaire (Année Internationale du Soleil Calme), à une rénovation complète des observatoires géophysiques de Port-aux-Français aux îles Kerguelen, de Dumont d'Urville en Terre Adélie et de la station pilote de Garchy dans la Nièvre. Il hivernera à nouveau en 1966 à Dumont d'Urville en tant que responsable scientifique, avec en particulier la mission de préparer les infrastructures scientifiques nécessaires aux tirs de quatre fusées Dragon, programmés pour janvier 1967, pour l'étude de la haute atmosphère (densité et température électronique, densité et énergie des flux de particules).

Au cours de la décennie qui a suivi, l'équipe " Station " du GRI s'est employée à développer les observatoires installés dans les Terres Australes et Antarctiques Françaises (TAAF) en créant des instruments nouveaux équipés de dispositifs d'enregistrement numérique. Ces travaux conduiront à l'installation en Terre Adélie (1971) et aux Kerguelen (1977) de stations de télémesures télécommandées pour l'étude de la haute atmosphère et de la magnétosphère. En plus de ses deux hivernages en Terre Adélie, Bernard Morlet a effectué de nombreuses campagnes d'été dans les TAAF ; ses compétences, sa lucidité et ses qualités humaines lui ont permis de mener à bien la plupart des projets qui lui étaient confiés et ceci malgré un environnement climatique particulièrement hostile.

Avec son équipe du GRI, Bernard Morlet va alors participer à deux expériences majeures d'observation et d'acquisition de données spatiales. Il s'agit, en 1973, du programme " CITADEL " en Terre Adélie qui avait pour objectif la mesure du champ électrique à la base de l'ionosphère à l'aide de ballons stratosphériques de 5000 m3 et, en 1975, du programme " ARAKS " aux îles Kerguelen qui devait permettre l'observation de phénomènes complexes prenant naissance dans la magnétosphère. Pour établir la conjugaison magnétique, on cherche à créer artificiellement une aurore en injectant des électrons en un point de la haute atmosphère et en observant à l'autre extrémité de la ligne de force le phénomène auroral conjugué ainsi déclenché. Deux fusées " Éridan ", équipées d'une pointe bourrée de détecteurs et emportant un accélérateur d'électrons, ont ainsi été tirées depuis les îles Kerguelen : les phénomènes auroraux associés ont effectivement été observés dans la région conjuguée d'Arkhangelsk. Ces expériences conduites en collaboration avec des équipes américaines et soviétiques ont été coordonnées et dirigées avec succès par Bernard Morlet.

Après cette période essentiellement consacrée à des travaux de recherche comportant une très forte composante technique, Bernard Morlet va s'investir dans le pilotage de la recherche en régions polaire et sub-polaire. Détaché aux Terres Australes et Antarctiques Françaises (TAAF), il est nommé en 1980 Chef de la Mission de Recherche des TAAF. À ce titre, il réorganise complètement ce département, crée un comité scientifique et un comité de l'environnement et entreprend quelques années plus tard la réorganisation des Expéditions Polaires Françaises (EPF) en qualité de Secrétaire Général. Il est nommé conseiller scientifique auprès du ministère des Affaires étrangères pour les questions antarctiques.

Bernard Morlet sera alors à l'origine de nombreuses initiatives, c'est lui qui le premier propose la tenue de colloques scientifiques multidisciplinaires rassemblant la plupart des acteurs engagés dans les programmes de recherche polaire et sub-polaire. Il faut citer les colloques organisés à Paris, à Grenoble et à Strasbourg qui, en présence d'experts nationaux et internationaux, ont permis de définir les grandes orientations de recherche dans le territoire des Terres australes et antarctiques françaises. Ce soutien providentiel a permis l'éclosion de nouvelles équipes de recherche françaises en géologie et géophysique marine, en océanographie, en paléoclimatologie, en paléo océanographie et en biologie. Beaucoup de ces nouvelles équipes doivent à Bernard Morlet leur reconnaissance nationale et leur notoriété internationale.

Bernard Morlet est directement impliqué dans la construction de la piste aérienne de Dumont d'Urville (1982), dans la refonte des équipements scientifiques du Marion Dufresne (1985) et dans la construction du navire océanographique côtier " La Curieuse " (1988). Il soutient la création des laboratoires de biologie de Port Alfred à Crozet (1987), de Dumont d'Urville en Terre Adélie (1989) et, à la demande du Centre National d'Études Spatiales (CNES), établit une station de suivi et de contrôle de satellites à Port-aux-Français aux îles Kerguelen en 1988. Dès 1990, il prend une part active au projet franco-italien d'implantation au Dôme C, d'une station permanente à l'intérieur du continent antarctique et s'investit dans le projet de remplacement du Marion Dufresne. Il imagine déjà la possibilité de créer un Institut pour la recherche et la technologie polaire en reprenant une idée formulée par Georges Laclavère dans les années 1970 alors qu'il présidait le SCAR (Scientific Committee on Antarctic Research) et le CNFRA (Comité National Français des Recherches Antarctiques).

En 1992 est créé, par la volonté conjointe des Ministères en charge de la Recherche et de l'Outre-mer, l'Institut Français pour la Recherche et la Technologie Polaires (IFRTP). La localisation à Brest de ce nouvel établissement fait l'objet de nombreux débats souvent difficiles et dans le monde polaire on s'affronte brutalement sur ce point. Bernard Morlet ne soutient pas les choix ministériels et se trouve donc écarté de ce projet. Il ne participera pas à cette magnifique aventure qui l'avait pourtant motivé tout au long de son parcours professionnel, il en gardera une très grande tristesse, voire une immense déception.

En 1992, il est nommé Chargé de Mission à l'Institut National des Sciences de l'Univers (INSU). À ce titre, il est chargé de la création de l'observatoire géophysique de la Réunion et de la mise en œuvre d'une station géophysique à l'observatoire de Haute Provence.

Toujours en qualité de Secrétaire Général des Expéditions Polaires Françaises, Bernard Morlet organise en février 1997 les cérémonies du centenaire des Expéditions Polaires Françaises (EPF) à la Tour Eiffel en présence du Président de la République, Jacques Chirac. Dans le prolongement de cette manifestation, il propose une très belle exposition " l'Aventure Polaire ", présentée par son commissaire scientifique, Jean-Claude Hureau, au Muséum National d'Histoire Naturelle (MNHN) de mars à mai 1997, puis dans plusieurs villes de France (Rochefort sur Mer et Strasbourg en 1997, Arc et Senans en 1998, Toulon en 1999, Grenoble en 2000, Poitiers en 2002) et en Suisse (Meyrin en 2003).

En 1964, Bernard Morlet avait épousé Maryvone, professeur de mathématiques. Ils eurent deux fils, Jean et Gilles. Directeur de recherche honoraire au Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), Bernard Morlet a été fait chevalier de la Légion d'honneur en 1992, officier du Mérite national en 1988 et chevalier des Palmes académiques en 1976.

L'engagement de Bernard Morlet pour défendre la recherche scientifique dans les régions polaires a toujours été total et exemplaire. Je l'ai côtoyé pendant de nombreuses années à différents moments de son parcours professionnel et garde le souvenir d'un homme de caractère, rigoureux, exigeant, jamais complaisant mais toujours d'une grande générosité et d'une énorme gentillesse. Sa disparition si brutale a plongé toute sa famille et ses nombreux amis dans un profond désarroi.

Roland Schlich (22 décembre 2010)

 

 


Bernard Morlet, lors de l'Assemblée Générale de l'Association des Anciens 
de l'Année Géophysique Internationale, 2006, au Mont St Michel.
(photo Georges Gadioux)

 

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